mercredi 28 août 2013

Only God Forgives : Kill Billy


Le tandem Winding Refn – Gosling est de retour, deux ans après l'excellent Drive. Hélas, cette fois, la réussite n'y est pas.




Fuyant la justice américaine, Julian (Ryan Gosling) a ouvert un club de boxe thaïlandaise à Bangkok. Or, celui-ci n'est qu'une façade, servant à masquer le trafic de drogues qui y est réalisé. Un jour, sa mère, Crystal (Kristin Scott-Thomas), qui n'est autre que chef d'une organisation criminelle, débarque. Elle vient pour chercher le corps de Billy, son fils, tué après avoir massacré une prostituée. Elle demande à Julian de venger la mort de son frère. Il va alors se confronter à Chang, un mystérieux policier...

La loi du Talion
Pour son neuvième long-métrage, le réalisateur danois Nicholas Winding Refn met en scène une histoire où la famille et la violence ont une place prépondérante. L'un n'allant d'ailleurs parfois pas sans l'autre, tant Crystal préférait Billy à Julian. Et, dans le verbe, elle le lui fait sentir, comme en témoigne la scène du dîner, où il est victime de sa colère. Et alors qu'elle ne cherche qu'à appliquer la loi du talion (œil pour œil, dent pour dent) en voulant à son tour tuer ceux qui ont causé la mort de son fils, quitte à se passer de Julian, ce dernier cherche en permanence des explications, des justifications, arguant que s'il avait tué une prostituée alors Billy devait subir les conséquences de ses actes. Mais son fatalisme autant que son opposition à sa mère ne dureront pas indéfiniment. Le contraste en est d'autant plus saisissant entre son visage neutre, n'exprimant aucun sentiment, et sa propre violence très brutale lorsque celle-ci explose.
Une violence très crue et en même temps très esthétisée, avec des personnages qui sortent les armes et les utilisent en répondant à une sorte de rituel, de code, presque de chorégraphie de danse. Qu'elle soit suggérée ou montrée, celle-ci n'épargne personne, pas même le spectateur, témoin passif, gênant (voire gêné) de ce déferlement de scènes où coups de poings et découpes au sabre se succèdent les unes après les autres. Au contraire de Drive où cette violence soudaine tranchait (sans mauvais jeu de mots) avec le calme apparent du reste de la narration, créant un réel effet, ici tout est traité sur la même tonalité. Du coup, la haine, la vengeance sont filmées à l'identique des autres sujets sous-jacents, comme la recherche de soi par exemple. Tout est sur ce ton monochrome qui s'étire en longueur, sans cassures, rendant le film assez ennuyeux. La beauté de la réalisation ne fait malheureusement pas tout.

Mythologie grecque
Car le seul vrai point positif du film, c'est son esthétisme. A défaut du scénario, c'est par la réalisation que Nicholas Winding Refn sublime son long métrage. L'image est très travaillée, et cela se voit à l'écran. L'histoire de cette quête de vengeance est racontée de façon quasi-mystique, et les séquences subliminales sont aussi belles sur la forme que la violence qu'elle montre sur le fond est parfois insoutenable. Cela peut apparaître comme dérangeant, mais le point de vue narratif est assumé totalement. Le metteur en scène danois fait preuve de personnalité, de cohérence, et va jusqu'au bout de ses idées, quitte à «mourir» avec. Les paysages, les lieux, ressemblent à des peintures, et ses personnages à des héros de mythologie grecque. Malgré des accès de mélancolie parfois un peu déplacés, et que la musique ne surligne que trop, le tout forme un bel écrin visuellement surprenant.
Malheureusement, le visuel ne masque pas le reste. Outre la façon de montrer la violence et qui fait légitimement débat, le reste ne convainc guère. Drive était aussi beau et aérien que Only God Forgives est décevant et ne décolle jamais vraiment. Les acteurs semblent livrés à eux-même. Même Ryan Gosling, dont le visage absent d'expression fonctionnait beaucoup mieux dans le précédent film du réalisateur danois qu'ici, n'y peut pas grand' chose. Seule Kristin Scott-Thomas s'en sort avec les honneurs. Le scénario se perd derrière la réalisation. Le fond est dilué dans la forme, jusqu'au point où celui-ci ne devient plus qu'accessoire. L'impression qui se dégage est celle d'une histoire mal maîtrisée, qui part d'une bonne intention mais dévie trop vite de sa route pour aller se perdre dans des voies sans issues. Le gâchis d'un film prometteur sur le papier, mais qui n'a pas su trouver la bonne idée pour passer correctement de l'écrit à l'écran.



N'est pas Tarantino qui veut. Là où le génial réalisateur américain avait réussi un objet pop divertissant et ultraréférencé avec Kill Bill, Nicholas Winding Refn loupe son sujet en ne l'effleurant qu'en surface, et passe à côté d'un scénario sombre et torturé en sublimant inutilement les plans. L'ensemble apparaît de ce fait fort peu crédible, voire ennuyeux. Plus qu'une vengeance, le metteur en scène nous doit maintenant une revanche, afin de ne pas nous laisser sur une mauvaise impression.