lundi 24 mars 2014

The Immigrant : Three Lovers


Pour son cinquième long métrage, James Gray nous plonge dans le passé afin de nous raconter une histoire sombre et éblouissante.

 
 


New-York, 1921. Ewa et Magda sont deux sœurs polonaises qui ont quitté leur pays dans l'espoir d'une vie meilleure. Arrivées à Ellis Island, dans le centre de réception des immigrés qui mettent le pied sur le sol américain, elles se retrouvent séparées car Magda est malade. Seule, Ewa se retrouve sous la coupe de Bruno, un souteneur qui l'oblige à se prostituer afin de sauver sa sœur. Un jour, elle fait la connaissance d'Orlando, le cousin de Bruno, un illusionniste. Mais les deux hommes ne s'apprécient guère...

L'eldorado américain

Ewa (Marion Cotillard) est une immigrante polonaise qui n'a qu'un rêve : avoir de meilleures conditions de vie. Pour cela, elle doit gagner de l'argent. A cette époque, les États-Unis apparaissent comme un eldorado. Mais les choses ne vont pas se passer comme elle l'espérait ; sa sœur Magda ne peut pas pénétrer sur le sol américain car elle est tuberculeuse. Ewa va devoir a tout prix trouver un moyen pour lui payer les soins nécessaires à sa guérison. Elle fait alors la rencontre de Bruno, qui accepte de l'héberger chez lui. Mais bien vite, cet homme qu'elle ne connaît pas la plonge dans l'univers de la prostitution et des spectacles où elle est exhibée de façon vulgaire. Elle voit cependant que ces « activités » lui permettent d'avoir l'argent nécessaire pour pouvoir sauver sa sœur. Heureusement, l'irruption d'Orlando va lui redonner de l'espoir. Elle va alors malgré elle se retrouver au centre de rivalités qui vont la dépasser.

Une rivalité qui oppose Bruno à son cousin Orlando. Bruno (Joaquim Phoenix) va l'aider à sortir de la douane et la loger, mais c'est pour mieux la soumettre par la suite. En effet, Bruno est un proxénète, patron d'une troupe de danseuses prostituées, dans laquelle Ewa occupe vite une place de choix. Parfait salaud au premier abord, il va peu à peu se laisser attendrir par sa dernière protégée. Et ira même jusqu'à faire une crise de jalousie lorsqu'il verra son cousin Orlando (Jeremy Renner), un magicien, s'intéresser de trop près à son goût d'Ewa. Orlando est un beau jeune homme qui redonne espoir à Ewa, qui de son côté ne demande qu'à être heureuse. Ewa représente le catalyseur des rancœurs que se portent les deux hommes, et qui va aller crescendo tout au long de l'histoire. Ces tensions exacerbées sont la matrice d'un film qui oscille constamment entre sombre réalité et bonheur teinté d'un halo de fantastique.

Homme providentiel

En effet, les deux frères représentent les deux faces d'un même scénario. Alors que Bruno est un personnage plutôt antipathique et dominateur, Orlando représente plutôt une atténuation aux traits stricts et sans horizon. Il arrondit les angles de ce long-métrage, représentant une possibilité de porte de sortie salvatrice pour Ewa, un homme providentiel qui peut lui apporter des jours meilleurs. Au fur et à mesure de l'avancée du film, on voit la polonaise s'éloigner de Bruno après s'en être rapprochée, comme on s'approche du soleil après avoir frôlé les ténèbres. Mais Ewa a de la volonté et ne perd jamais de vue qu'elle fait cela pour sauver sa sœur et l'empêcher d'être expulsée. La confrontation entre les deux hommes montre aussi au-delà de la lutte entre le bien et le mal, une réflexion sur le réel et le magique, le vrai et l'intangible. Et qu'à un siècle de distance, la quête de la liberté reste pour chacun une recherche essentielle.

Cette quête, le réalisateur de La Nuit nous appartient la filme de manière plutôt classique, mais ce classicisme sublime la beauté émotionnelle que dégage cette histoire au parfum enivrant qui nous transporte dans une bulle hors du temps, en compagnie d'une jeune femme en quête de bonheur. Bonheur de vivre, bonheur d'aimer. Sentiment qu'elle touchera du doigt au prix de souffrances, de sacrifices, et qu'elle ne perdra jamais de vue. Animée par sa flamme intérieure, elle ne se résignera jamais vraiment, et cette force changera les hommes dont elle croisera la route. Fragile en apparence, elle s'avérera être le révélateur de la vilenie des êtres humains et l'exacerbation de leurs colères et de leurs propres bassesses, une sorte de miroir réfléchissant de leurs vérités inavoués et cachés qui leur sautent aux yeux. Ils ne peuvent plus se trahir.



Première héroïne de la filmographie de James Gray, Ewa porte haut les couleurs de l'univers du réalisateur de Two Lovers. Tragique et légère à la fois, l’œuvre incarne l'espoir en une vie meilleure. Tout en émotion, elle nous montre de l'intérieur une histoire incarnée de l'immigration à New York, l'un des thèmes de prédilection de James Gray. Sa première incursion dans le passé, sans aucun effet démonstratif afin de mieux mettre en avant le destin de grands personnages, portés par des comédiens en grande forme, est une réussite.