Le trio Toledano –
Nakache – Sy est de retour trois ans après Intouchables avec
un film moins drôle mais plus réussi, une fable faite de petites
touches d'humanisme et de poésie.
Samba Cissé est
sénégalais. Travaillant en France depuis 10 ans, il n'a pas de
papiers, et se bat au quotidien pour s'en sortir. Sous le coup d'un
mandat d'expulsion, en attente dans un centre de rétention à
Roissy, il est soutenu par une association d'aide aux sans-papiers.
Et notamment par Alice, une ancienne cadre supérieure victime de
burn-out qui apporte une aide juridique à l'association. Alors que
l'un comme l'autre ont des difficultés à avancer, Alice et Samba
vont s'entraider et se rapprocher...
Cendrillon et prince
charmant
Trois années ont passé
depuis les dix-neuf millions d'entrées enregistrés par
Intouchables. Et après ? Après, on prend le même acteur
fétiche – pour une cinquième collaboration déjà – et on
recommence. Recommencer ? Pas vraiment. Si certains éléments n'ont
pas vraiment changé, comme par exemple le couple improbable qui
n'était pas à la base censé se rencontrer mais la vie étant faite
d'imprévus et de surprises eh ben ils se rencontrent quand même,
d'autres ont évolué. Si l'humour reste le leitmotiv du duo Nakache
– Toledano, ici il se teinte d'une dose de gravité. Savamment
dosé, point trop n'en faut apesantir, leur propos restant dans le
cadre de la comédie. Mais le rire ici est utilisé pour véhiculer
un message positif avec une pointe de conte de fée, mais un conte de
fée renversé, Omar Sy jouant les cendrillons et Charlotte
Gainsbourg les princes charmants sous lexomil
prié de se retaper pour ne pas laisser
son promis s'en aller.
Un
prince charmant nommé ici Alice, mais son ancien pays n'était pas
vraiment celui des merveilles. Une Alice cadre sup' à la Défense,
mais ça c'était avant. Un burn-out et une dépression plus tard,
elle et ses plus fidèles compagnons, à savoir ses médocs, se
retrouvent à bosser pour une association d'aide aux immigrés sans
papiers. Ca tombe bien, Cendrillon, qui prend ici les traits d'un
sénégalais nommé Samba cissé (Samba, comme la danse), en a
justement besoin, d'aide. Immigré en France depuis dix ans, il
travaille dans la restauration. Mais illégalement. Il est en effet
sans papiers (sa chaussure de vair en quelque sorte). En centre de
rétention à Roissy, en attente de son expulsion, on le laissera
complaisamment s'en aller. Mais contraint de continuer à vivre
caché. Heureusement, il peut compter sur ses alliés. Son oncle,
Alice, ou encore Wilson, sa fée marraine, un compagnon de galère
qui l'aidera et ne le laissera pas isolé.
Mauvais
sort
C'est
donc la France des invisibles qui est ici montré face caméra. Comme
une interdiction de détourner le regard sur leur réalité. Une vie
de galère 24/24, avec de temps en temps des tranches de vie
positive, sympathique, souriante, comme pour mieux souligner
l'espoir, mieux appuyer sur le fait que le malheur se digère mieux
lorsque l'on sait laisser entrer le bonheur par la porte, aussi
petite soit-elle. Tout le contraire d'Alice, qui malgré une belle
vie va quand même sombrer dans le burn-out. Ou comment, sans crier
gare, les bonnes choses peuvent virer au drame. Deux personnages,
l'un qui coule et l'autre qui tente coûte que coûte de rester à la
surface, qui ne pouvaient que s'échanger l'air mutuel qu'ils
respirent, et donc se croiser, s'entraider. Voire plus si affinités.
Car tout cela reste du domaine du léger, avec happy end à la clé.
Le mauvais sort ne pouvant ici qu'être conjuré par une bonne
tranche de rire. Pour que l'amour triomphe enfin.
Et
si l'humour reste très présent, il se fait ici plus grave. Au ton
léger et bon enfant d'Intouchable, succède une œuvre où premier
et second degré se côtoient, et dont les principaux protagonistes
ne sont pas forcément les mieux servis. Ce qui frappe, c'est
effectivement des premiers rôles qui se font parfois voler la
vedette par des seconds rôles. C'est ainsi que Wilson – Tahar
Rahim et Manue – Izia Higelin se retrouvent avec des personnages
dont la côte de sympathie est proportionnelle à la dose d'humour
qui y est injectée. Une forte dose. Injectée en intraveineuse, elle
arrache des sourires à n'en plus finir. Des personnages –
principaux comme secondaires – qui nous font toucher du doigt une
problématique moderne et universelle mais avec les loupes
déformantes des quiproquos et situations humoristiques qui rendent
ce film à la fois divertissant et concernant. Un équilibre trouvé
et un pari difficile à priori mais relevé.
A
partir d'un ouvrage de Delphine Coulin, « Samba pour la France »,
Eric Toledano et Olivier Nakache en tirent une mise en image drôle
et touchante à la fois, un feel good movie à la française.
Malgré un duo d'acteurs Omar Sy – Charlotte Gainsbourg qui ne
fonctionne pas toujours à 100%, les seconds rôles se révèlent
excellents et attachants, et le sujet des sans papiers n'est pas
qu'une tapisserie mais bien un sujet tenu tout le long du film, sans
lourdeur ni frivolité. Un très bon divertissement.