jeudi 19 septembre 2013

Revenge : Dumas made in USA

Nouvelle libre adaptation du Comte de Monte-Cristo, cette série américaine raconte un jubilatoire et glamour jeu de massacre.




Amanda Clarke (Emily Van Camp) est une jeune fille orpheline de mère. Avec son père, David, elle vit dans un chalet dans les Hamptons, à côté des Graysons, une riche et influente famille. Un jour, la police débarque chez eux et arrête David, accusé d'actes de terrorisme. Battu à mort par un codétenu en prison, il laisse derrière lui des preuves de son innocence à sa fille. Sous le nom d'Emily Thorne, celle-ci revient alors sur les lieux de son enfance vingt ans après les faits avec pour seuls buts découvrir la vérité et se venger de ceux qui ont précipité la chute de son père...

Quête solitaire

Diffusée depuis 2011 sur ABC aux États – Unis, Revenge met en scène l'histoire d'une fille cherchant à réhabiliter la mémoire de son père, et ce par ses propres moyens. Une quête solitaire mais pas sans alliés contre un ennemi qu'elle compte bien détruire de l'intérieur, et ce par tous les moyens possibles. Mensonges, espionnage, manipulations, tout y passe. Sous ses dehors de fille propre sur elle et bien sous tous rapports, Amanda cache le secret d'une enfance difficile marquée par les accusations contre David, qu'elle croit coupable pendant des années avant d'avoir entre ses mains les preuves de son innocence. Préparant minutieusement sa vengeance, elle revient là où tout a commencé une fois prête à mettre son plan à exécution. Revenue (presque) incognito, et sous un nom d'emprunt, elle va semer la pagaille chez les Graysons, mais également découvrir des vérités enfouies sur elle et sa famille.

A ce jeu dangereux, elle peut compter sur Nolan Ross (Gabriel Mann), un jeune milliardaire doué en informatique, qui connaît la véritable identité d'Emily Thorne pour avoir été un proche de David Clarke. Il lui est loyal, malgré les tensions qui se font parfois sentir entre eux. Parmi les autres personnages qui peuplent les Hamptons, il y a Jack Porter (Nick Wechsler), qui a repris le bar Stoweaway au décès de son père. Il ne reconnaît pas Emily/Amanda, alors que celle-ci est son amour d'enfance et qu'il a même baptisé son bateau le Amanda. Mais il y a aussi les Graysons, richissime et très influente famille. Le patriarche, Conrad (Henry Czerny), était l'employeur de David. Marié à Victoria (Madeleine Stowe) depuis 25 ans, ils ont deux enfants, Daniel (Joshua Bowman) et Charlotte (Christa B. Allen). Mais les révélations et autres scandales qui éclatent mettent peu à peu leur couple en péril. Ce sont les principaux ennemis d'Emily, qui les accuse d'être à l'origine des attentats terroristes et de s'être servis de son père comme d'un bouc-emissaire.

De Edmond Dantès à Lisbeth Salander

Amanda Clarke est une Edmond Dantès au féminin. Comme lui, elle a connu des années d'enfermement. Le trésor de l'île de Monte Cristo est ici symbolisé par la boîte que lui a légué son père à sa mort, et qui contient les éléments permettant à sa fille de préparer sa vengeance. Le changement d'identité fait aussi parti des points communs partagé par les deux personnages. On retrouve aussi la thématique de la conspiration, présent dans l’œuvre de Dumas autant que dans la série. Enfin, maître Takeda, un mystérieux japonais, pourrait ici être considéré comme l’équivalent de l'abbé Faria. C'est en effet lui qui enseigne à Amanda les arts martiaux et la prépare mentalement à atteindre son but. Mais il y a aussi du Lisbeth Salander chez elle. L'héroïne de la trilogie Millenium de Stieg Larsson et Amanda partagent en effet le même objectif de vengeance pour leur père, ainsi qu'un tatouage-symbole (ici, un double zéro signifiant le double infini).

Revenge n'est toutefois pas sans défauts. Les apparences trompeuses chez les gens fortunés ont déjà été souvent exploitées en littérature, au cinéma ou à la télévision. Le hacker qui peut vous manipuler n'importe quel écran en deux temps trois mouvements est une solution un peu facile. Et introduire de nouveaux personnages pour relancer l'intrigue lorsque celle-ci tourne en rond est une solution qui manque parfois de pertinence. Mais malgré ça, la mécanique de la série est telle qu'une fois happée, le téléspectateur ne peut plus décrocher. On s'attache rapidement aux personnages, on a envie d'accompagner Amanda dans sa quête de vengeance et de la voir réussir, et on attend le sadique rebondissement de fin d'épisode qui nous fait guetter avec impatience le prochain épisode. Bref, une technique archi - classique dans lequel les américains sont passés maîtres mais qui marche toujours lorsque l'histoire que l'on veut nous raconter nous intéresse.


La vengeance. Un sujet universel exploitable à l'infini. Une autre récente série tournant autour de ce thème, House of Cards, et se passant dans le milieu de la politique, est là pour en attester. Cela peut parfois donner de passionnantes histoires, comme c'est le cas ici. Une narration qui s'inscrit dans les pas des grands romans-feuilletons dont les trois mousquetaires de...Alexandre Dumas en est un des exemples. Sans être exceptionnelle, Revenge est une série à suivre pleine de potentiels.





jeudi 12 septembre 2013

La Grande Bellezza : Sermon sur la chute de Rome

Après This must be the place, Paolo Sorrentino poursuit son travail sur les personnages en décalage avec leur époque.





Jep Gambardella (Toni Servillo) est un journaliste vivant à Rome, un dandy mondain vieillissant et érudit, dont tout le monde recherche la compagnie lors des nombreuses soirées auxquelles il participe. Auteur d'un livre à succès dans le passé, L'appareil humain, il souhaite se remettre à écrire sans pour autant y montrer une quelconque volonté. Faisant preuve d'un certain cynisme et d'un dégoût de lui-même, il vit dans la nostalgie d'un amour de jeunesse, avec en toile de fond la ville éternelle...

Un peu ici, un peu ailleurs

Le réalisateur italien Paolo Sorrentino revient jouer à domicile pour son nouveau film. Une œuvre originale pourtant très inspirée par la littérature. Le personnage principal a écrit un livre qui a eu les honneurs d'un prix littéraire, et parle des écrivains en bon journaliste cultivé qu'il est. Le film lui-même débute par un extrait tiré du livre de Céline, Voyage au bout de la nuit. La Grande Bellezza bénéficie d'un scénario très écrit, avec des personnages haut en couleur et des dialogues savoureux. Un scénario qui se suit et se déguste comme les bonnes feuilles d'un bon classique. Un film qui parle de notre époque sans que pour autant les différents protagonistes y soient ancrés de façon nette. Ils y ont un pied, et un autre dans le passé. Un peu ici, un peu ailleurs, comme pour mieux se moquer d'eux-même et de leurs contemporains. Un recul parfaitement illustré par son principal protagoniste, incarnation de l'esprit du film.

En effet, Jep Gambardella est un personnage mondain et spirituel, un dandy décadent qui ne se sent pas vraiment à sa place dans notre époque. Il repense sans cesse à son glorieux passé, au point de vouloir renouer avec celui-ci en voulant écrire un second livre, après un premier ouvrage, l'appareil humain, auréolé de succès et bardé de prix lors de sa sortie. En outre, sa compagnie est très recherchée, il a de nombreux amis, mais il est terriblement seul. Il vit au quotidien avec sa mélancolie. A l'automne de sa vie, il se sent à un tournant et se demande à quoi il peut encore bien servir. Il a une vision sévère sur ce monde qui ne sait pas où il va. Mais les fêtes aident à détourner la tête des véritables problèmes. Les gens s'amusent et prennent les choses à la légère. Et c'est auréolé de cette frivolité que tout le film se passe, ni franchement drôle, ni clairement sombre. Un clair-obscur qui bénéficie d'un cadre idyllique.

Un grand et fiévreux cri d'amour

Ce cadre, c'est Rome. Ville éternelle aux paysages superbes qui émeut et tétanise, une ville lumineuse filmée comme une femme insaisissable dont on est éperdument amoureux. L'acteur principal d'une œuvre qui lui rend hommage dans tout ce qu'elle a de merveilleux et de mystérieux. Et qui influence profondément le caractère des personnages, en adoucissant ou bien au contraire en renforçant la personnalité des uns et des autres. Une ville indomptable, à l'image des hommes qui y vivent et ont la lourde tâche de l'incarner. Une troublante beauté qui écrase les protagonistes et qui les renvoient à leur propre humilité. Elle dégage un charisme qui les dépasse, une sensualité unique qui hypnotise et séduit immédiatement celui qui veut bien la connaître. Une ville ancienne et moderne. Une ville à laquelle le réalisateur a décidé de déclarer un grand et fiévreux cri d'amour. Une star filmée dans ce qu'elle a de plus violent, de plus brut, de plus nue.

Une ville qui incarne parfaitement le caractère des personnages, leurs émotions. Cette mise à nue semble être dictée par le lieu de l'action. Un peu comme si elle devait être faite ici et maintenant, et qu'ailleurs elle n'aurait pas été possible. Au contraire, il y a une influence mutuelle. Rome change les hommes, et les hommes changent Rome. L'un ne fonctionne pas sans l'autre. A l'instar de la bande-son du film, elle oscille entre deux rythmes, celui de l'avenir et celui de la tradition. Comme les personnages, elle est entre deux rives. Jep Gambardella, par exemple, s'interroge sur son passé autant qu'il se demande de quoi son futur sera fait. Il ne porte pas un regard très optimiste sur ses contemporains, pourtant il doit continuer à vivre, à sourire, à rêver, à aimer. Se battre contre ses démons. Ses états d'âmes sont captés par Paolo Sorrentino qui, avec beaucoup de sensibilité, de discrétion, d'acuité et d'humour, se place sur les traces d'un cinéma italien en plein renouveau. 

Des sexagénaires, qui ont oublié d'être sage, en liberté : voilà ce que nous donne à montrer le metteur en scène d'Il Divo. Et mise en scène est le parfait mot, tant ces personnages truculents se servent de Rome comme d'un décor de théâtre dans lesquels ils évoluent à leur guise, parfois jusqu'à l'auto-caricature. En creux, ils nous renvoient aussi un peu à nous, à nos petites manies, nos regrets et nos joies. Des personnages moins éloignés de nous qu'ils n'en ont l'air en fait... 

mercredi 4 septembre 2013

Baz Luhrmann : Magnifique "Gatsby"


Le réalisateur de « Moulin Rouge » signe une nouvelle adaptation très réussie du roman culte de Francis Scott Fitzgerald.




1922. Nick Carraway, jeune écrivain, s'installe à New York, ville de tous les possibles, auprès des milliardaires qui y vivent. Là-bas, il y revoit sa cousine Daisy, ainsi que le mari de celle-ci, Tom Buchanan. Un soir, Nick participe à l'une des soirées mondaines organisées par son mystérieux et richissime voisin, Jay Gatsby. Grâce à cette rencontre, il va se retrouver plongé au cœur d'un univers fascinant, fait d'excès, de fêtes, de mensonges, de tromperies et d'oubli.

Témoin de son temps
Nick Carraway (Tobey Maguire) n'a rien d'un arriviste. S'il vient à New York, c'est uniquement parce que c'est là que tout se passe, le centre névralgique du mouvement post - Première Guerre mondiale, l'épicentre d'une époque qui se trémousse au son d'une musique jazz dont la popularité ne fait que croître. Plus qu'un écrivain, il se fait le chroniqueur, le témoin privilégié de son temps, extérieur d'abord, puis intérieur au fil de ses rencontres, notamment avec Jay Gatsby (Leonardo Di Caprio). Tous deux ont des intérêts entendus et communs à leur amitié. Une amitié qui va les mener à tous les excès. Personnage principal au début du film, Nick s'effacera progressivement derrière Gatsby au fur et à mesure de l'évolution de la découverte de ce milliardaire étrange et impénétrable, dont les secrets peu à peu dévoilés vont mener Nick à une cruelle désillusion, à la fin de sa naïveté, et à la perte définitive de son innocence.

Discret au début, afin d'éviter de trop s'exposer, Gatsby va voir au fil de l'histoire le voile se déchirer sur la personnalité factice qu'il s'était forgé, sur l'esquisse qu'il s'était dessiné et dont il croyait les traits solides. Mais les contours étaient trop grossiers pour faire illusion éternellement. Derrière le masque du dandy se cache en effet un homme qui tente par tous les moyens d'échapper à sa condition et de s'élever dans un monde ou le paraître prend le pas sur l'être, où les gens sont jugés à leur condition sociale, leur portefeuille, leurs belles toilettes. Et Gatsby a très bien compris que c'est en construisant un monde de fêtes dans un château de contes de fées pour adultes que se jouent tous les enjeux de pouvoir, d'alliances plus ou moins solides. Personne n'est dupe de cette bulle, mais tout le monde fait comme si. Chacun y trouve son compte. C'est sur cet éphémère que compte Gatsby pour séduire la belle Daisy (Carey Mulligan).

Atmosphère de clair-obscur
L'éphémère, la légèreté semble être ce qui caractérise le «Gatsby» de Baz Luhrmann. Mais en grattant un peu, sous la couche de superficialité qui imprègne la première partie du film, nous est montré une histoire plus sombre aux personnages plus décadents qu'ils n'apparaissent de prime abord. En jouant sur les contrastes et les faux semblants, le réalisateur australien joue les virtuoses de l'équilibre et laisse s'instaurer une atmosphère faite de clair-obscur et de décalages anachroniques, comme en atteste par exemple l'utilisation de la musique, dont des chansons de Beyonce pour ne citer qu'elle (le même procédé a déjà été utilisé dans le passé pour Moulin Rouge). Le scénario est finalement parfaitement en accord avec le personnage de Gatsby : séduisant et riche mais qui cache bien son jeu et se révèle très complexe. A l'instar des relations ambiguës qui relient les personnages entre eux.

A commencer par la relation de fascination entre Gatsby et Nick. Ce dernier, tout d'abord intrigué, va peu à peu se laisser envoûter par le charisme que dégage le milliardaire, et lui restera fidèle jusqu'au bout. Gatsby le considère comme son seul ami, même si il est difficile de savoir si cela est vrai ou s'il s'agit d'un de ses mensonges pour l'amadouer. Car Gatsby a besoin de lui pour approcher sa cousine Daisy, une femme dont il est tombé éperdument amoureux et qu'il veut séduire en l'impressionnant, d'où les immenses fêtes dans sa demeure. Il entre alors en conflit avec Tom, qui lui-même trompe Daisy. Sous les apparences d'homme puissant, Gatsby est surtout un homme romantique qui se laisse aveugler par ses sentiments et qui veut croire que Daisy finira tôt ou tard par quitter son mari pour lui. Mais Gatsby est un homme profondément seul qui utilise des armes factices comme atout et qui se révéleront insuffisantes.


Entre fastes kitsch et gigantesque et drame intimiste, le réalisateur de Roméo + Juliet trouve un parfait équilibre. Superbement raconté, il trouve un ton juste et très personnel pour raconter une histoire déjà connue. Popularisé par Robert Redford, le personnage de Gatsby est campé par un Leonardo Di Caprio qui ne cherche aucunement à copier son aîné, mais au contraire en fait une nouvelle lecture tout à fait passionnante. Tout concourt à faire de ce film une réussite à la fois spectaculaire et crépusculaire.