La
mise en scène un brin rétro du réalisateur français Olivier Dahan
et l'interprétation de l'actrice australienne sauvent ce film, par
ailleurs assez inégal.
Grâce
Kelly, l'étoile montante du cinéma hollywoodien, promise à un
brillant avenir, se marie en 1956 avec le Prince Rainier de Monaco.
Mais au début des années 60, éloignée des paillettes américaines,
elle s’ennuie et se sent seule et enfermée dans son palais. De
plus, son couple connaît de graves difficultés. C'est à ce
moment-là, et dans un contexte de volonté de l'annexion de la
Principauté par la France, qu'Alfred Hitchcock la réclame pour le
tournage de son prochain film. Grâce va ainsi devoir choisir entre
son désir d'artiste et son devoir de Princesse et d'épouse...
Stature
politique
Il
était une fois une actrice de talent qui avait mis Hollywood à ses
pieds. Son indéniable talent séduisait aussi bien les réalisateurs
que les hommes. Elle vivra le rêve de princesse de nombres de filles
en tombant amoureuse du Prince Rainier de Monaco. Ils se marièrent
et eurent trois beaux enfants. Le conte de fée s'arrête là, car la
réalité est beaucoup plus complexe que dans les livres. On ne naît
en effet pas princesse, on le devient. Mais ce rôle permanent ne lui
convenant plus, elle cède de nouveaux aux sirènes californiennes
lorsque Alfred Hitchcock lui propose le rôle principal de Marnie.
Au risque de déserter le royaume, au moment où celui-ci est
confronté à une crise politique avec son voisin français. On suit
donc ici le parcours d'une femme tiraillée entre ses désirs
professionnels et son obligation de représentation d'un Royaume
menacé et qui a besoin d'elle, dans une stature politique dont elle
ne maîtrise pas tous les codes.
Car
en épousant Rainier, elle épouse également la fonction de
Princesse. Elle finira par l'apprendre. Au sens figuré, mais aussi
au sens propre. Comme un rôle, elle se fait enseigner les rudiments,
de la culture générale à la diction. Elle s'ennuie, se plaint de
ne faire que de la figuration, veut changer de film, mais le scénario
du monde réel va l'obliger à étoffer son jeu et à s'octroyer le
premier rôle. C'est face aux événements que Grâce va se révéler,
enfiler malgré elle son costume au début trop grand pour elle, mais
qu'elle taille à sa mesure pour « habiter » totalement son
personnage à la fin, au milieu d'un public sceptique qu'elle devra
conquérir. Si, au début du film, elle a du mal à choisir entre sa
carrière artistique et sa vie privée, l'accélération de
l'Histoire va la décider malgré elle, contre elle. Et seule, car le
Prince Rainier semble ne jouer que les seconds rôles et ne pas se
soucier des états d'âme de sa femme, trop occupé à ses affaires
politiques.
Deux
vies publiques
Si
en apparence Grace de Monaco raconte en creux une histoire de
couple, en vérité la comédienne-princesse en est la seule réelle
vedette, que son mari ne lui volera jamais. Il gère sa principauté,
et voit d'un mauvais œil les velléités de retour au cinéma de sa
femme. Pour lui, sa place est auprès de lui et de leurs enfants, au
palais. Il ne comprendra jamais vraiment sa femme. Celle-ci a du mal
à trouver sa place au-delà du simple protocole, mais il ne l'aide
pas beaucoup. Elle va ainsi devoir prendre seul son destin en main.
Sa transformation en Princesse va se faire sans que son mari en soit
conscient ou attentif. Il la tient éloigné des responsabilités et
obligations politiques. Au travers de cette situation on assiste ici
à l'opposition entre deux vies publiques, celle de la représentation
et celle du réel. Celle de l'échappatoire au quotidien et celle de
l'action, où elle va devoir laisser tomber le masque et agir en
femme et faire oublier l'actrice.
Une
actrice qui prend toute la lumière à elle. Du coup, les seconds
rôles sont un peu laissés de côté, déséquilibrant le film. Si
Olivier Dahan, dans sa façon de réaliser, bien aidé par la partie
technique (lumière, photo, décor, costume...) rend un subtil
hommage aux longs-métrages des années 50 et 60, son scénario n'en
est pas moins un brin longuet et manque un peu de profondeur et
d'émotion. On pourrait également s'amuser des obligations dues à
la production internationale (pourquoi diable le Prince Rainier et
Charles de Gaulle dialoguent-ils en anglais ?), ou la trop importante
dramatisation du conflit entre Monaco et la France. Mais Nicole
Kidman campe une Grâce crédible, qui rend parfaitement à l'écran
cette femme qui lutte contre ses conflits internes, entre ce qu'elle
désire et ses obligations qui ne permettent pas de les réaliser. Un
choix entre deux personnages et le sacrifice de l'un d'entre eux pour
s'abandonner totalement à l'autre.
Être
ou ne pas être une princesse : telle est la question que se pose
Grâce de Monaco, et Olivier Dahan la suit dans ses interrogations et
son évolution sur la question et sa recherche progressive de
légitimité et de crédibilité. Une princesse glamour qui dans un
écrin qui ne l'est pas moins doit trouver le bon chemin entre conte
de fée et réalité. Nicole Kidman porte ce film sur ses épaules et
mérite à elle seule le détour d'un film pas toujours à la hauteur
mais qui ne manque pas de charme, à l'instar de son héroïne.