mardi 17 novembre 2015

Love in the cité



Dheepan entremêle l'amour et la guerre dans tout ce qu'ils ont de violent, de charnel et de psychologique dans une même danse du souvenir et du rêve d'apaisement.







Combattant des Tigres Tamoul, Dheepan fuit la guerre au Sri Lanka avec une femme et une fille qu'il ne connaît pas, afin de pouvoir obtenir un asile politique. Ces trois inconnus atterrissent dans une banlieue française. Là, Dheepan obtient un travail de gardien d'immeuble. Mais il découvre bien vite que le trafic de drogue et la violence qu'elle engendre rend son quartier dangereux, et il va alors devoir protéger celles qu'il rêve de voir un jour devenir sa femme et sa fille, sa nouvelle famille...

Les guerres qui rapprochent

Le festival de Cannes a pris l'habitude ces dernières années de consacrer les couples. Ceux dont la femme est en fin de vie (Amour, Michael Haneke, 2012). Les homosexuels (La vie d'Adèle, Abdellatif Kechiche, 2013). Et ceux qui se déchirent (Winter Sleep, Nuri Bilge Ceylan, 2014). Dheepan ne déroge pas à cette mode. Ici, il est question de la constitution d'une famille à partir de trois entités distinctes qui vivent ensemble pour la même raison : fuir la guerre. Mais leurs buts sont différents. Si le héros ne rêve juste que de stabilité et de calme, sa « femme », elle, ne veut pas rester et rejoindre une parente qui vit en Angleterre. Mais cette cohabitation forcée qui va durer plus longtemps que prévu va changer la donne et apprendre à ces trois solitudes à former un seul et même foyer. Et ce sont les guerres qui vont les rapprocher. Les conflits qui vont transformer les hasards de la vie en une réimplantation dans un lieu où ils évoluaient en déracinés.

Ce conflit, le personnage principal du film, Dheepan, y a participé. Il est en effet un soldat ayant combattu dans l'armée des Tigres Tamoul au Sri Lanka. Mais la guerre civile prend fin, et la défaite est proche. De plus, toute sa famille a été décimée dans ce conflit. Sa seule solution pour protéger sa vie est de quitter son pays. Pour faciliter sa fuite, il embarque avec lui une femme, Yalini, et une fille, Illayaal, seules elles aussi, afin de se faire passer pour une famille et faciliter la demande d'asile. Débarqués en France, ils sont installés en banlieue, dans un quartier peu sûr. Là, Dheepan y trouve un travail de gardien d'immeuble. Mais les souvenirs du passé ne sont jamais loin, et les problèmes liés au trafic de drogue font ici figure de piqûre de rappel. Mais un autre conflit, plus privé celui-là, va bientôt émerger avec Yalini et Illayaal, car il va vite s'apercevoir qu'il est difficile de nouer des liens avec des inconnus ayant vécu les mêmes blessures.

Western urbain

Jacques Audiard mêle ici un conflit externe, la guerre au Sri Lanka, avec un conflit interne, celui de la famille. Et des sentiments. Marqué par son histoire, Dheepan va devoir s'adoucir et faire preuve de qualités humaines pour dialoguer et gérer deux nouvelles personnes dans son foyer, alors qu'il a déjà perdu une première famille sous les armes. Or, l'humain n'est pas ce qui est demandé dans les combats, mais l'animalité qui se tapit en chacun de nous. Ainsi, Dheepan est l'histoire de la transformation d'un animal en homme. Même si les violences liées au trafic de drogue vont sans cesse ramener Dheepan à ses instincts primaires de mort. La guerre demande des leaders. Avec Yalini et Illayaal, Dheepan va devoir trouver un équilibre et accepter de ne pas tout contrôler, de faire confiance. Ainsi, il endosse dans ce film le costume du héros solitaire, du shérif protecteur de la veuve et de l'orphelin dans un western urbain.

Dheepan s'inscrit en effet à mi-chemin entre les films de cow-boys et d'indiens et le polar noir. Mais avec des personnages à la Audiard. Amputé, comme Marion Cotillard dans De rouille et d'os, sauf qu'ici Dheepan l'est de ses racines, de sa famille, de sa première vie. Son amputation est donc plus métaphorique que physique. Enfermé dans un lieu violent, comme l'était Tahar Rahim en prison dans Un prophète. Ici, la prison est représenté par la banlieue, son immeuble d'habitation. Mais là où Malik El Djebena devait sauver sa peau, Dheepan doit sauver celle des autres puisqu'en fuyant la guerre il l'avait déjà fait pour lui. Pour autant, il ne peut échapper au sang. La guerre, son histoire l'a imposée à lui, et durablement. Il est un solitaire, mais qui rend la justice pour les autres. Il protège – au sens premier – la veuve et l'orphelin. Et si, ici, la langue pose des barrières, Dheepan montre que la colère et la vengeance sont des valeurs universelles.


Dheepan est de ces personnages forts qui marqueront la galaxie d'Audiard, brisé par la vie mais qui doit rester debout, malgré tout. Un altruiste prêt à retrouver ses instincts primaires pour protéger les siens. C'est un peu dommage que l'arrière-plan soit dessiné plus grossièrement, avec sa banlieue pleine de méchants et un amour que l'on devine rapidement triomphant. Mais le choc visuel compense aisément ces faiblesses, affirmant si besoin en était encore que le réalisateur de Sur mes lèvres est l'un des meilleurs cinéastes actuels.







vendredi 16 octobre 2015

A Woman's World


Dans La belle saison, Catherine Corsini filme une époque pas si lointaine, celle des débuts du féminisme, où les libertés se heurtent encore aux carcans moraux.






Delphine est fille de paysans. Fille unique. Et elle est destinée à reprendre à terme la ferme familiale. Mais elle s'ennuie dans sa campagne. Au début des années 1970, Paris représente la liberté. Ainsi pourra-t-elle peut-être cacher à ses parents son secret en allant faire ses études dans la capitale : elle est homosexuelle. Là-bas, elle croise la route de Carole, professeure d'espagnol hétérosexuelle qui vit pleinement les débuts du féminisme. Les deux femmes vont tomber sous le charme l'une de l'autre...

Confrontation entre deux mondes

Le féminisme et, de manière plus générale, l'évolution de la condition de la femme et des mentalités liées à leur émancipation vu par le prisme de l'histoire. Tel est le parti pris de Catherine Corsini. C'est pourquoi elle nous propose un retour en arrière, dans les années 1970. Une époque suffisamment éloignée pour l'avoir digérée, mais suffisamment proche pour nous montrer d'où l'on part et ce qui reste encore à accomplir. Un coup d'oeil dans le rétro en forme de confrontation entre deux mondes, l'un urbain, moderne et remuant, l'autre rural, traditionaliste et ayant échappé aux tempêtes post-soixante-huitardes qui ont déferlé sur la France. Une ville aux habitants pétris de culture et désireux de vivre à fond les changements qui s'annoncent encore adossés aux mouvements ayant eu lieu deux ans plus tôt, et une campagne travailleuse, proche de la terre et où le patriarcat reste très ancré dans les mentalités.

Soit l'histoire de la rencontre, dans les rues de Paris, entre Delphine (Izïa Higelin) et Carole (Cécile de France). Delphine est fille unique d'un couple de paysans. Elle manie aisément la fourche et le tracteur, mais elle se sent seule et s'ennuie. Le bel Antoine lui tourne bien autour, et ses parents les verraient bien se marier. Mais Delphine a un secret : elle préfère les femmes. Craignant la réaction de ses parents, elle parvient à les convaincre de faire des études dans la capitale. Là-bas, elle croise la route de Carole, professeure d'espagnol et ardente défenseure de la cause des femmes. Si elle choisit de la suivre dans ses combats, c'est autant pour ceux à mener que pour se rapprocher d'elle. Sauf que Carole est hétérosexuelle et en couple. Pourtant, elles vont finir par vivre leur histoire d'amour, dans une époque où les homosexuels peuvent encore finir en internement psychiatrique à cause de leur orientation.

Faux allures de documentaire d'époque

Ce film joue donc des oppositions. Entre l'homosexuelle assumée mais qui est contrainte de se cacher et l'hétérosexuelle qui va remettre sa vie sentimentale en cause et va vouloir vivre sa nouvelle sexualité au grand jour. Mais lorsque, suite à l'AVC de son père, Delphine va devoir revenir gérer la ferme familiale, Carole, ne supportant pas la séparation, va la rejoindre. Là, elle va découvrir un monde bien loin de son idéal féministe progressiste, dans un coin où le couple homme-femme reste la norme, avec l'homme qui reste le chef de famille et le décideur prépondérant, les femmes n'étant que de simples suiveuses, des exécutantes. C'est un domaine encore très masculin, où les femmes n'ont pas – ou si peu – leur mot à dire. Malgré ses efforts d'adaptation, Carole va se sentir engoncée dans ce monde qu'elle ne comprend pas et dans lequel elle ne se sent pas à sa place. Elle va s'ennuyer car elle a le sentiment de perdre sa chère liberté.

La réalisatrice Catherine Corsini filme l'effervescence des années post- mai 68 en France, entre une capitale progressiste et des femmes en lutte pour plus de droits et de revendications féministes et égalitaristes, et une province encore loin de tout cela, statique et attachée à ses traditions. Le statu - quo est donc encore de mise, même si le mouvement existe et sa flamme entretenue. A l'intérieur de cela, elle introduit une provinciale homosexuelle, donc apte à bousculer les codes dans des lieux où la différence est encore source de rejet, et une parisienne hétérosexuelle qui se révèle à elle-même au contact d'une autre femme, se confrontant par ailleurs à ses propres principes. La belle saison est un film aux faux allures de documentaire d'époque mais de réel engagement, sincère, et qui montre que le chemin qu'il reste à accomplir pour accepter l'autre, notamment dans les mentalités, est encore long, encore aujourd'hui.



Malgré un petit côté « téléfilm » parfois, La belle saison est un film fort à l'histoire d'amour émouvante, avec notamment une Cécile de France confondante de naturel. Catherine Corsini situe son film dans une époque dont la plupart des spectateurs peuvent avoir des souvenirs, donc s'adresse à eux et les interroge sur leur propre vision du changement, faisant en creux le bilan de 40 ans de combat féministe. Sans angélisme ni manichéisme, la réalisatrice a fait un film personnel mais qui touche tout le monde.









mercredi 2 septembre 2015

Mystique vallée


Guillaume Nicloux envoie Gérard Depardieu et Isabelle Huppert dans la Vallée de la Mort, à la recherche des fantômes du passé. 






Gérard et Isabelle sont comédiens. Ils se sont jadis aimés, ont eu un fils, Michael, devenu photographe, et se sont séparés. Un jour, Michael se suicide. Mais avant de s'en aller, il a laissé une lettre à ses parents, leur demandant d'aller dans la vallée de la mort, en Californie, et d'y suivre ses instructions, ajoutant qu'il réapparaîtra. Si Isabelle veut y croire, Gérard se montre plus sceptique. Alors qu'ils ne se sont pas revus depuis plusieurs années, ils vont entamer ensemble ce drôle de chemin...

Jeu des sept ressemblances

Trente-cinq ans se sont écoulés depuis « Loulou » de Maurice Pialat. Trois décennies et demi que Gérard Depardieu et Isabelle Huppert n'avaient plus tourné ensemble. Le réalisateur Guillaume Nicloux joue de cette temporalité pour de nouveau réunir ce duo d'acteur qu'il transforme pour son film en couple de cinéma. D'ailleurs, dans le scénario, les deux « tourtereaux » ne sont-ils pas sensé ne s'être pas revu depuis des années ? Ce n'est d'ailleurs pas la seule malice de la part du metteur en scène, qui s'amuse à affubler les personnages du long métrage du même nom que ses acteurs. Ainsi, Gérard Depardieu se nomme « Gérard » et Isabelle Huppert « Isabelle ». Comme pour mieux brouiller les cartes entre réalité et fiction. Il pousse même la ressemblance jusqu'à leur donner le métier de comédien. Et Gérard – les deux, celui de la fiction et l'acteur – est né à Châteauroux. Ces règles posés, le mélange entre réalité et fiction peut s'opérer.

Une fois le jeu des sept ressemblances passé, on peut véritablement rentrer dans le vif du sujet. Or donc, voici l'histoire de deux acteurs français, Isabelle et Gérard, et de Michael, le fruit de leur amour. Déclinaison du « Père, du Fils et du Saint Esprit » en « le père, la mère et l'esprit ». L'esprit, celui du fils, mort suicidé. Mais qui, avant de s'en aller, a laissé une lettre à ses parents séparés, et qui ne se sont plus revus depuis plusieurs années, leur demandant de suivre ses dernières volontés, celles de respecter un parcours indiqué par lui-même dans la Vallée de la Mort, en Californie. Voilà nos deux protagonistes réunis malgré eux dans un road-trip sous l'étouffante chaleur américaine, avec la promesse du défunt de réapparaître si les instructions sont suivis selon ses vœux. Isabelle y croit, Gérard moins. L'espoir fou et le scepticisme main dans la main, en balade dans un huis-clos qui ne dépareille pas avec la température extérieure.

Saint Thomas

Dans ce film, tout est dans le non-dit, le non-montré. Malgré la disparition brutale et inattendue du seul lien tangible qui les reliait, l'amitié s'est reconstruite sur les lambeaux de leur ancien amour, et pas uniquement eu égard au respect qu'ils ont eu pour leur fils. Ils peuvent mutuellement se rejeter l'échec ressenti après le décès de leur fils, ils savent qu'ils en possèdent chacun leur part. Face à l'épreuve, ils se soutiennent réciproquement, chacun à sa manière. Si Isabelle semble plus fragile, l'imposante carcasse de Gérard n'en est pas moins fracassée. D'autant que ce voyage imposé dans la Vallée de la Mort les contraint à se souvenir de leur fils, personnage absent paradoxalement le plus présent du film, sans que l'on ne voit une seule fois son visage, même en photo. Gérard est partagé. Il ne veut pas croire en la réapparition de son fils, mais il semble dans sa tête peu à peu évoluer, sur l'air du « et si... ? ». Il joue les Saint Thomas dans cette histoire.

Le réalisateur du Poulpe nous montre ici une quête mystique impossible, entre deux personnages qui vivent le deuil, la blessure, l'oubli chacun à leur manière et qui tentent de tourner la page avec plus ou moins de difficultés. Cette lettre est un moyen de solder la mémoire de ce fils disparu et de passer à autre chose, alors que les événements fantastiques se multiplient autour d'eux, jusqu'à la fin du séjour. Ils en sortiront marqué, et leur corps n'en sortira pas totalement indemne. Le tout sous un soleil de plomb propice aux hallucinations. Isabelle est constamment en alerte tandis que Gérard joue au faux détaché, qui refuse de jouer le jeu tout en le jouant. Par-delà la mort, Michael va ainsi réunir ses parents le temps d'une semaine. Celui de la réconciliation, des explications, dans un contexte où l'inexplicable règne en maître. Les derniers feux d'une famille disloquée qui tente de panser ensemble les plaies béantes de l'absence.



Au travers de cette histoire d'absence, c'est notre relation à notre présence au monde qui est ici interrogé. Au vide, au plein. Peut-on survivre à la mort, nous les vivants ? Comment nous touche-t-elle, et pour quelles conséquences ? La réalité se confronte ici au fantasme. Celui de deux acteurs célèbres, à la vie apparemment rêvée, prisonniers ici de leurs erreurs et qui vont devoir les assumer malgré eux. Des vies qui s'entremêlent, deux scénarios, celui du réel et du cinéma, pour une mise en abyme onirique et brute malgré son ton parfois un peu trop traînant.






lundi 22 juin 2015

Résistants du quotidien


Une ville africaine tombe sous la coupe des djihadistes, et c'est tout les habitants qui entrent en résistance contre leurs bourreaux. Une critique onirique et cinglante d'Abderrahmane Sissako.




Tombouctou. Des extrémistes religieux prennent d'assaut la ville et aussitôt imposent leur loi. Désormais, la musique, les cigarettes et le football sont interdits. Les femmes doivent porter le voile et des gants. Celles et ceux qui ne respectent pas les nouvelles règles sont traînés devant un tribunal inique et soumis à l'arbitraire de leurs oppresseurs. Non loin de là, Kidane, sa femme et sa fille vivent paisiblement dans les dunes. Son berger de douze ans vient de perdre la vache GPS et se met à sa recherche. Il tombe sur un pêcheur...

La terreur en pleine face

L'action du film se passe en Afrique. Les Djihadistes poursuivent leur offensive au Mali et viennent de conquérir la capitale Tombouctou. Oubliés les lois démocratiques, seule la charia se verra maintenant appliquée. Ceux qui contreviendraient à leur interprétation très subjective et rigoureuse de l'Islam pourraient se voir condamnés à mort par lapidation. Musique, cigarettes et jeux de ballons sont désormais fermement proscrits. Quant aux femmes, elles devront se dissimuler en portant le voile et en mettant des gants. Ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes, notamment auprès des poissonnières qui devront découper leurs poissons avec ces protections très peu pratiques pour leur travail. Toute l'absurdité du film est là : rien n'est dit, mais tout est montré. Tout est moqué. Tout peut être sujet à raillerie, à démonstration du ridicule des situations qui seront sujets à contournement des lois et à la résistance.

Parallèlement à cela, un peu en marge, aux lisières de la ville, dans les dunes, vit Kidane et sa famille. Il y a là sa femme, Satima, et sa fille, Toya. Il possède des vaches qu'il fait garder par Issan, un petit berger de 12 ans. Lorsque celui-ci ne retrouve plus la vache préférée de Kidane, qui porte le doux petit nom de GPS, le patriarche part à sa recherche. Il finit par la retrouver, mais tue accidentellement Amadou, un pêcheur. Les djihadistes vont alors exercer leur loi sur lui. Kidane, en ce sens, symbolise la fin de l'innocence. Au début du film, il est loin, un peu comme le spectateur – observateur. Mais les circonstances vont faire que la réalité va le rattraper. Il va prendre conscience des nouvelles conditions de vie de Tombouctou et se prendre la terreur en pleine face. En ce sens, il est un représentant du ressenti des habitants d'Afrique otages de cette nouvelle forme de terrorisme qui passent soudainement de la liberté à la peur.

Projet hors-sol

Une peur contrebalancée par de formidables instants de grâces filmiques, telle cette scène où les enfants jouent un match de football, mais sans le ballon, puisque cela est interdit. Un moment d'onirisme parfait qui vient en lutte, en confrontation directe avec les djihadistes. Un défi comme déclaration de guerre face au nouvel occupant venu de l'extérieur et qui impose une loi rude. Le rêve et les aspirations à la démocratie de la population contre la violence des colonisateurs. Et le rire. En effet, Abderrahmane Sissoko se moque d'eux et les tourne en dérision, les mettant face à leurs propres contradictions. Ils interdisent la cigarettes mais ils fument. Ils doivent parler arabe mais se comprennent mieux en anglais. Dans le même temps, le réalisateur mauritanien montre comment la population se soude pour faire face à l'adversité et exercer leurs libertés. Ainsi il fait de ce microcosme l'exemple-type des luttes des peuples pour la démocratie dans le monde.

En effet, en extrapolant, nous pourrions très bien imaginer que cela pourrait se passer n'importe où ailleurs. Cette population de Tombouctou opprimée, c'est le symbole des luttes des populations en résistance sociale, culturelle et politique contre leurs gouvernants. Timbuktu peut ainsi être lu comme un conte moderne, sombre mais rempli d'espoir. Un cri du cœur d'un pays, et au-delà d'un continent, envers les autres populations, tout autant qu'une mise en garde envers les gens qui se laissent faire sans prendre ni garde ni les armes intellectuelles. Le grand projet hors-sol d'une critique de ceux qui utilisent et abusent d'une religion, la détournant à leur propre profit aboutit à un grand film rempli d'émotions qui vise juste et qui nous fait toucher concrètement du doigt, au travers des instants de vie, de la loupe que permet la caméra du cinéma, la violence des bourreaux autant que les rêves de délivrance toujours présents des opprimés.



Au travers de son dernier film, Timbuktu, Abderrahmane Sissako touche juste et montre un problème actuel et universel, mais sans verser dans le discours politique, car c'est par la prise de conscience des peuples que ces derniers s'en sortiront. Un appel à la solidarité par l'onirisme qui séduit, concerne, bouleverse et touche chaque spectateur individuellement, comme une injonction à faire bouger les choses pendant qu'il en est encore temps. Un magnifique film sur des héros altruistes, résistants du quotidien. 






lundi 1 juin 2015

Mike Leigh refait le portrait de Mr Turner

Thimothy Spall incarne le peintre, génie en avance sur son temps, sur la nouvelle toile du réalisateur de « secrets et mensonge ».





Nous sommes au XIXe siècle. Joseph Mallord William Turner (1775 – 1851) est un célèbre peintre britannique, membre de la prestigieuse Royal Academy Of Arts. Ce misanthrope qui fréquente les bordels est très entouré. Ses nombreux voyages nourrissent son œuvre. Une œuvre qui n'est pas sans susciter des sarcasmes de la part de ses contemporains. A la mort de son père, très affecté, il s'isole, jusqu'à sa rencontre avec Mrs Booth, propriétaire d'une maison de famille en bord de mer...

« Star » de son époque

Qu'est-ce que la peinture ? Comment parler de l'immobile, du figé, dans un art en constant mouvement ? Et pourquoi l'oubli ? Autant de questions que le réalisateur britannique Mike Leigh développe dans son nouveau film. Et pour ce faire, il utilise le genre du biopic, et donc ici la figure du peintre, pour avancer des théories et donner des éléments de réponse à ses interrogations. Un artiste ancré dans son époque, mais qui, au travers de son art avant-gardiste, lui échappe également pour mieux les traverser, quitte à risquer de s'effacer totalement jusqu'à ce que ne demeure plus que l’œuvre. Ce peintre, cet artiste, c'est Joseph Mallord Willard Turner, l'une des « stars » de son époque dans son domaine, admiré autant que critiqué, membre de l'une des plus prestigieuses et représentatives académies de son pays. Une personnalité tombée un peu dans l'oubli et que le cinéaste réhabilite en le faisant revivre le temps d'un film.

Soit, donc, l'histoire de J. M. W. Turner, peintre de son état et membre de la Royal Academy of Arts, à la date de naissance incertaine (probablement avril 1775). Orphelin de mère à l'âge de 4 ans, faisant de son père son assistant, son art avant-gardiste suscitera autant l'admiration que les quolibets de ses contemporains. Grand voyageur, ses aquarelles qui en découlent en feront « le peintre de la lumière ». Il fréquente également les bordels. Mais au fil du temps son excentricité et son caractère taciturne ainsi qu'une dépression suite à la mort de son père l'éloigneront du monde des hommes. Peu l'importera, d'ailleurs, car il a peu d'amis. Sur le plan privé, il ne sera jamais marié. Mais père de deux enfants qu'il aura avec Sarah Danby. Avant de rencontrer la veuve Sophia Caroline Booth, avec qui il vivra comme mari et femme, et dont il empruntera le nom comme pseudonyme pour sa dernière exposition un an avant sa mort, en 1851.

Manque de points d'accroche

Joseph Turner, c'est Timothy Spall. Dans ses gestes, dans ses attitudes, dans son regard, dans son expression. Tout en lui se fond dans son personnage avec une impressionnante aisance. Il est l'écrin magnifique d'un Mike Leigh qui fait preuve d'inventivité et d'imagination dans sa réalisation. Plus que du peintre, le britannique peint le portrait d'une époque et d'un homme posé là par hasard, en décalage avec une société qui cherche à se faire voir, alors que lui s'effacera au fur et à mesure que le temps passe. Même sa peinture est d'un autre époque, difficile à définir. Il est admiré, mais ne semble pas en faire grand cas. Seule concession aux méandres de son cerveau, ses œuvres, résultantes de l'acte de création. Et c'est là que se rejoignent finalement le cinéma et la peinture. Dans l'acte de création. La peinture représentant un film statique, immobile, chargé de cette même émotion qu'accroche l’œil du regardant à qui cette histoire est racontée.

Toutefois, si l'on peut percevoir un scénario, ou se le créer soi-même le cas échéant, dans ce qui nous est donné à montrer, le créateur est-il systématiquement ciné-génique ? Toute vie mérite-t-elle d'être racontée ? Oui, en tout cas pour de ce qui concerne celle de Turner, nous répond le réalisateur de Secrets et mensonges. Le spectateur restera, lui, beaucoup plus sceptique. Sans réelle ligne directrice ni rebondissement romanesque, il émane une sensation de manque d'un fil conducteur, chevalet qui maintiendrait l'intérêt du film. Or, Turner ne semble pas être le personnage le plus cinématographique du monde. Sa vie n'est pas la plus passionnante de l'histoire de la peinture, sauf respect pour l'homme, sa carrière et sa postérité. De ce fait, la relative absence de scénario ne permet pas de se passionner réellement pour le film ou pour l'histoire qui est tenté de nous être raconté. Restent l'art du réalisateur et la performance d'acteur.



« Dans la peinture, il s'établit comme un pont mystérieux entre l'âme des personnages et celle du spectateur », écrivait Eugène Delacroix dans son Journal. Mike Leigh ne fait pas autre chose. Il dresse des ponts entre l'âme de William Turner et celle des spectateurs. Si l'alchimie entre le réalisateur et son acteur Thimothy Spall fonctionne à plein, montrant la beauté des tableaux et celle, plus complexe et mystérieuse, du peintre, les raisons qui ont poussé le britannique à faire de la vie de l'artiste une œuvre à part entière demeurent, elles, obscures. Et ce n'est pas le moindre des paradoxes du « peintre de la lumière ».  






 

mardi 28 avril 2015

Sur un air de Samba


Le trio Toledano – Nakache – Sy est de retour trois ans après Intouchables avec un film moins drôle mais plus réussi, une fable faite de petites touches d'humanisme et de poésie.




Samba Cissé est sénégalais. Travaillant en France depuis 10 ans, il n'a pas de papiers, et se bat au quotidien pour s'en sortir. Sous le coup d'un mandat d'expulsion, en attente dans un centre de rétention à Roissy, il est soutenu par une association d'aide aux sans-papiers. Et notamment par Alice, une ancienne cadre supérieure victime de burn-out qui apporte une aide juridique à l'association. Alors que l'un comme l'autre ont des difficultés à avancer, Alice et Samba vont s'entraider et se rapprocher...

Cendrillon et prince charmant

Trois années ont passé depuis les dix-neuf millions d'entrées enregistrés par Intouchables. Et après ? Après, on prend le même acteur fétiche – pour une cinquième collaboration déjà – et on recommence. Recommencer ? Pas vraiment. Si certains éléments n'ont pas vraiment changé, comme par exemple le couple improbable qui n'était pas à la base censé se rencontrer mais la vie étant faite d'imprévus et de surprises eh ben ils se rencontrent quand même, d'autres ont évolué. Si l'humour reste le leitmotiv du duo Nakache – Toledano, ici il se teinte d'une dose de gravité. Savamment dosé, point trop n'en faut apesantir, leur propos restant dans le cadre de la comédie. Mais le rire ici est utilisé pour véhiculer un message positif avec une pointe de conte de fée, mais un conte de fée renversé, Omar Sy jouant les cendrillons et Charlotte Gainsbourg les princes charmants sous lexomil prié de se retaper pour ne pas laisser son promis s'en aller.

Un prince charmant nommé ici Alice, mais son ancien pays n'était pas vraiment celui des merveilles. Une Alice cadre sup' à la Défense, mais ça c'était avant. Un burn-out et une dépression plus tard, elle et ses plus fidèles compagnons, à savoir ses médocs, se retrouvent à bosser pour une association d'aide aux immigrés sans papiers. Ca tombe bien, Cendrillon, qui prend ici les traits d'un sénégalais nommé Samba cissé (Samba, comme la danse), en a justement besoin, d'aide. Immigré en France depuis dix ans, il travaille dans la restauration. Mais illégalement. Il est en effet sans papiers (sa chaussure de vair en quelque sorte). En centre de rétention à Roissy, en attente de son expulsion, on le laissera complaisamment s'en aller. Mais contraint de continuer à vivre caché. Heureusement, il peut compter sur ses alliés. Son oncle, Alice, ou encore Wilson, sa fée marraine, un compagnon de galère qui l'aidera et ne le laissera pas isolé.

Mauvais sort

C'est donc la France des invisibles qui est ici montré face caméra. Comme une interdiction de détourner le regard sur leur réalité. Une vie de galère 24/24, avec de temps en temps des tranches de vie positive, sympathique, souriante, comme pour mieux souligner l'espoir, mieux appuyer sur le fait que le malheur se digère mieux lorsque l'on sait laisser entrer le bonheur par la porte, aussi petite soit-elle. Tout le contraire d'Alice, qui malgré une belle vie va quand même sombrer dans le burn-out. Ou comment, sans crier gare, les bonnes choses peuvent virer au drame. Deux personnages, l'un qui coule et l'autre qui tente coûte que coûte de rester à la surface, qui ne pouvaient que s'échanger l'air mutuel qu'ils respirent, et donc se croiser, s'entraider. Voire plus si affinités. Car tout cela reste du domaine du léger, avec happy end à la clé. Le mauvais sort ne pouvant ici qu'être conjuré par une bonne tranche de rire. Pour que l'amour triomphe enfin.

Et si l'humour reste très présent, il se fait ici plus grave. Au ton léger et bon enfant d'Intouchable, succède une œuvre où premier et second degré se côtoient, et dont les principaux protagonistes ne sont pas forcément les mieux servis. Ce qui frappe, c'est effectivement des premiers rôles qui se font parfois voler la vedette par des seconds rôles. C'est ainsi que Wilson – Tahar Rahim et Manue – Izia Higelin se retrouvent avec des personnages dont la côte de sympathie est proportionnelle à la dose d'humour qui y est injectée. Une forte dose. Injectée en intraveineuse, elle arrache des sourires à n'en plus finir. Des personnages – principaux comme secondaires – qui nous font toucher du doigt une problématique moderne et universelle mais avec les loupes déformantes des quiproquos et situations humoristiques qui rendent ce film à la fois divertissant et concernant. Un équilibre trouvé et un pari difficile à priori mais relevé.


A partir d'un ouvrage de Delphine Coulin, « Samba pour la France », Eric Toledano et Olivier Nakache en tirent une mise en image drôle et touchante à la fois, un feel good movie à la française. Malgré un duo d'acteurs Omar Sy – Charlotte Gainsbourg qui ne fonctionne pas toujours à 100%, les seconds rôles se révèlent excellents et attachants, et le sujet des sans papiers n'est pas qu'une tapisserie mais bien un sujet tenu tout le long du film, sans lourdeur ni frivolité. Un très bon divertissement.






vendredi 17 avril 2015

Mommy embaume les cœurs


Concentré d'émotions, de toutes les émotions, dans le cinquième film du prodige québécois Xavier Dolan.





Le film se déroule en 2015. Année où une loi permet aux parents d'enfants difficiles de confier ceux-ci à une institution d'Etat comme un hôpital psychiatrique pour mineur. C'est dans ce contexte que Diane, veuve quadragénaire vivant à Montréal, doit s'occuper de son fils Steve, diagnostiqué comme hyperactif, alors que le centre de rééducation dans lequel il a été placé à la mort de son père l'a viré à cause de son comportement. Ensemble, ils vont devoir s'apprivoiser et trouver un équilibre, coûte que coûte...

Caractère impulsif

Le film débute par une date. 2015. Or, le film a été réalisé en 2014. Il s'agit donc d'une œuvre futuriste, mais un futur immédiat. Celui de demain. De dans quelques heures, à supposer que nous n'y soyons pas déjà. Au Québec, une loi autorise les parents à confier leurs enfants difficiles à une institution d'Etat. Donc si un parent se sent dépassé par sa progéniture, elle peut s'en remettre à son pays pour s'en occuper à sa place. Diane, elle, n'en est pas encore là. Cette jeune veuve d'une quarantaine d'année, et qui peine à joindre les deux bouts – elle se fait virer du journal dans lequel elle s'occupait du courrier du cœur – vient tout juste de récupérer son ado, Steve. Reconnu comme hyperactif, le centre de rééducation dans lequel il était placé vient de le mettre à la porte à cause de son comportement violent. C'est donc elle qui va devoir le prendre en charge. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la cohabitation s'avère au début difficile.

Tout d'abord débordée par son imprévisibilité, elle va finir par trouver une alliée en la personne de Kyla, leur nouvelle voisine, mariée, enseignante et bègue, et actuellement en congé maladie. Et elles ne seront pas trop de deux pour essayer de calmer ce caractère impulsif qui a besoin d'attention à chaque instant. Des liens vont se nouer entre ce trio, dans lequel Steve représente l'épicentre. En effet, à son contact, autant Diane que Kyla vont évoluer, changer, car elles ont besoin de montrer à l'adolescent que l'on ne doit pas baisser les bras et qu'il faut avancer en gardant l'esprit positif, même si rien n'est vraiment rose. La générosité sera leur leitmotiv. Or, Steve en a à revendre. Il ressent tout de manière très accentuée, de façon très brute. Il est entier, et va s'attacher autant à l'une qu'à l'autre. Mais il reste un ado, avec ses maladresses et sa spontanéité qui lui font prendre toute sa place, jusqu'à déborder comme le lait sur le feu.

Gueules cassées

Et ce trop-plein donne lieu à des scènes tout à la fois gênantes (les propos racistes envers le chauffeur de taxi), drôles (la danse sur une chanson de Céline Dion) ou décalées (le karaoké sur « Vivo per lei » dans un bar alors que Steve est insulté par des loubards), mais dans lesquelles l'émotion est présente en chaque lieu, chaque plan. Des plans en 1:1, rectangulaire, afin de mieux guider le regard du spectateur. Il est obligé de supporter ce qu'il voit. Voir que Steve (Antoine-Olivier Pylon) prend toute la place. Sur l'écran comme dans la vie de Diane (Anne Dorval) et Kyla (Suzanne Clément). Trois personnages qui se nourrissent et s'entraident, même maladroitement, et malgré les barrières qui se dressent devant eux en permanence. Ce sont ces tranches de vie que filme Xavier Dolan avec beaucoup de talent et d'audaces. Il fait avancer sans cesse ses personnages, en dépit du précipice qui menace ce fragile équilibre.

Ces « gueules cassées » de la société, ces gens mis en marge, essayent effectivement de survivre et d'exister. Ils refusent l'inéluctable. En témoigne ici la figure maternelle. Une « mère courage » mise en valeur et célébrée lorsque l'occasion se présente (cf le karaoké), hommage à toutes les femmes qui se battent pour s'en sortir dans leur vie multiple, mère et travailleuse. Diane est à la recherche d'un nouvel emploi suite à un licenciement, donc à la recherche d'un nouveau statut social. Elle doit, comme Steve, se montrer indépendante, capable de se débrouiller seule tout en assurant pour deux les fonctions parentales. Mais cela n'est pas simple, notamment pour nouer ou renouer des liens avec un enfant qu'elle a laissé dans un institut spécialisé, et donc dont elle n'a pas eu à s'occuper au quotidien. C'est aussi pour elle l'apprentissage du rôle de mère d'adolescente. On les voit évoluer sur un fil. Devant nous. Comme nous.



Film pop gorgé d'émotions et d'heureuses surprises, Mommy est un film qui va à cent mille à l'heure, dans le sillage d'un héros hyperactif. Un film spontané et en même temps maîtrisé de bout en bout, qui bouscule et ne tombe jamais dans la mièvrerie. Un grand film d'amour filial porté par un cinéaste surdoué de seulement 25 ans, et qui réalise ici déjà sa cinquième œuvre de fiction. Une ode à la liberté, qui propose et qui ose, sans aucune naïveté ni sans tempérer l'enthousiasme. Un film qui donne un franc sourire.  





mardi 31 mars 2015

Bonello déshabille Saint Laurent


Portrait d'un homme complexe et de ses démons, figure tout à la fois médiatique et discrète d'une star de la mode, par le réalisateur de L'Apollonide.




1967 – 1976. Dix ans dans la vie de Saint Laurent, couturier de génie, son ascension, ses amours, ses principales figures d'inspiration, ses contradictions, ses provocations. Mais aussi dix ans de rencontres avec une époque folle dans laquelle naîtra quelques-unes de ses plus importantes créations. Dix ans de paradoxale solitude, en quête de rédemption et de réconciliation avec lui-même. Dix années de tourbillons où sa figure intérieure et les apparences se croisent et s'entrechoquent...

Biopic labyrinthique

Le film s'ouvre sur le dos d'un homme. « M. Swann », précise-t-il. Il entre dans le hall d'un hôtel et demande une chambre. Une fois installé, il passe un coup de fil, affirmant à son interlocuteur être prêt à répondre à toutes les questions. Ce Monsieur Swann, c'est Yves Saint Laurent. M. Swann, comme le célèbre personnage de Proust dans La Recherche. Il n'a pas pris ce nom par hasard, car il est un grand passionné de l'oeuvre. Quant à sa volonté de répondre aux questions, l'autre personne au bout du fil, on pourrait aisément imaginer qu'il s'agit du fil reliant le couturier au spectateur, désireux de percer le « mystère » Saint Laurent. Mais est-ce possible ? Et lui-même le veut-il ? Toute l’ambiguïté est là, et Bertrand Bonello, en réalisant un biopic sur ce grand couturier, semble nous en faire la promesse tout en le respectant, mais n'omettant pas au passage de bousculer l'homme. Il nous plonge ainsi dans les méandres de son cerveau.

Et, comme dans un cerveau, il ouvre des tiroirs et les vide devant nous, reconstituant ce qui y est rangé de manière fractionnaire. Le film ne débute pas en 1967 et ne s'achève pas en 1976. Les périodes sont mélangées, présentées de manière disparates, mais pourtant enchâssés de façon cohérente. Le tout formant un puzzle qu'il tient au spectateur de reconstituer. Le réalisateur de cette manière nous dévoile son personnage (au sens figuré comme au propre, avec la scène de la fameuse séance photo où le couturier pose nu). Mais avec un biopic aussi labyrinthique, il respecte son mystère, nous le rend proche tout en maintenant une distance accrocheuse pour le spectateur, qui finalement reconstitue les morceaux chacun à sa manière, se faisant son propre film, donc sa propre opinion sur Saint Laurent. Ainsi, Bertrand Bonello ne juge pas son sujet, il s'attache juste via les bornes temporelles à le contextualiser dans son époque.

Le cœur de l'homme

Car Saint Laurent est à certains égards un film historique, une histoire vu au travers d'un témoin d'une époque qu'il a vécu, et même très bien vécu, jusqu'à l'excès. Les années 60 et 70. Les derniers feux des Trente glorieuses. Le couturier sortait beaucoup et goûtait à l'occasion aux diverses drogues qui passait sous son nez. Cette période de folie, il l'a marqué de ses diverses créations rendant hommage aux femmes, et notamment à sa mère, lui l'homosexuel tombé sous le charme de Jacques de Bascher, un dandy réputé du milieu gay parisien. Pourtant, ce créateur très entouré, très sollicité, était en même temps très seul. Il traînait avec lui une mélancolie dont il ne se débarrassera jamais vraiment. Cette dualité entre ce qu'il montrait et ce qu'il était le rongeait en permanence. Mais son caractère était contrebalancé par celui de Pierre Bergé, son amant et point d'équilibre avec qui il formait l'un des couples les plus en vu de cette période, et qui l'accompagne durant toute son ascension.

Trois ans après L'Apollonide, qui se déroulait au début du XXe siècle, Bertrand Bonello filme avec nostalgie une époque révolue et perdue. Une époque colorée, y compris dans les tons pastels qui teinte son film. Un homme de mode dans un Paris hors modes. Il formule des hypothèses à propos d'un personnage qui suscite encore bien des interrogations, via le montage en forme de patchwork. Un film labyrinthique, qui se rapproche peu à peu du cœur de l'homme. Malgré un côté un peu « lounge » de la réalisation qui ralentit le rythme du film, et qui manque de faire décrocher le spectateur par moments, le réalisateur du Pornographe met parfaitement en lumière ses acteurs, Gaspard Ulliel en tête, impeccable Saint Laurent. Et, au-delà, filme une « Success-Story » par celui qui la vit, un homme en parfaite adéquation avec son milieu et son temps, jusqu'à l'effacement progressif de l'humain derrière la marque.



Bertrand Bonello dresse le portrait de « son » Saint Laurent dans ce biopic très personnel, où les parts d'ombre du couturier le dispute aux couleurs éclatantes d'une France encore très fêtarde et insouciante des années 70. En bornant son film à la période de son ascension, il fait une photographie d'un homme torturé et seul en quête d'apaisement, alors qu'il est happé par le vent du succès. Le réalisateur montre en creux un homme en quête de fuites, mais sans cesse rattrapé par lui-même.  






vendredi 6 mars 2015

Au fil de l'eau

Avec Still the Water, la réalisatrice japonaise Naomi Kawase nous propose, sous de faux airs de polars, un film onirique sur la vie, la mort, l'amour et l'(e)au– delà.







L'île d'Amami, au Japon. La nature y exerce pleinement ses droits, et au nom de leurs croyances, les habitants la respectent. Mais, un beau jour, la quiétude des lieux est troublée par le corps d'un homme mort recraché par la mer. Le jeune Kaito, qui l'a vu le premier, en est troublé. Déjà perturbé par une famille déchirée, il est aidé et aimé par son amie Kyoko, qui elle-même est en train de voir sa mère s'éteindre peu à peu. Ces deux êtres vont devoir apprendre à grandir ensemble.

Question de transmission

Dès les premières minutes du film, on croit assister à une future enquête policière : un homme mort est rejeté par la mer et est retrouvé sur la plage de l'île d'Amami par un jeune garçon, Kaito. Mais cela s'arrête là. Même si le fin mot de l'histoire nous est donnée, c'est moins la résolution du meurtre en lui-même que la vie de celui qui a vu le corps en premier qui intéresse Naomi Kawase. Un adolescent confronté aux difficultés de la vie, déchiré entre des parents séparés. Il ne s'entend guère avec son père, tatoueur à Tokyo. Mais pour l'apaiser, il peut compter sur Kyoko, avec qui il fait l'apprentissage des sentiments. Il grandit, et tout se mêle et se confond dans sa tête. Tandis que lui voit la mort en face, un corps déjà inerte, Kyoko, elle, est au chevet de sa mère chamane, appelée à disparaître de ce monde, mais à renaître de l'autre côté. Les croyances sont ainsi mises en scène dans ce film à la beauté onirique.

Ainsi la réalisatrice, dans son nouveau film, pose son regard sur un monde encore pétri de traditions, en totale harmonie avec la nature, les objets et les éléments. Les habitants pensent que dans chaque pierre, chaque plante, chaque arbre se cache un dieu. Ils faut alors les respecter, les considérer d'égal à égal avec les humains. De même que face à la mort les rites traditionnels sont respectés. Face au corps de la mère de Kyoko, que les forces abandonnent petit à petit, sont pratiqués des chants, des danses. Une ambiance tout à la fois festive et grave, chargée en émotions. Tout est fait très sérieusement, et traité de façon quasi-documentaire. Naomi Kawase par ces images joue les rôles de passeuse autant que de mémoire de traditions ancestrales qui se transmettent de générations en générations. Une question de transmission, de changement d'état qui imprègne également son histoire au travers de ses personnages.

Ile intérieure

Ce changement d'état est parfaitement illustré par Kaito, un adolescent qui évolue vers l'âge adulte. Il est déchiré entre des parents divorcés qu'il aimerait voir se réconcilier, et au milieu d'eux cherche sa place. Il ne sait pas à qui en vouloir de cet état de fait. Il se sent impuissant. Il veut s'en sortir seul, mais il n'y parvient pas. Il ne sait comment exprimer à l'extérieur ce qu'il ressent à l'intérieur. L'amitié de Kyoko va l'aider à s'accepter et à accepter les autres, même s'il se rend compte des difficultés qui l'attendent au quotidien. Il veut donner une image de lui positive, de quelqu'un de fort, mais il a conscience de ses peurs. Sa jeune amie, elle, doit faire face à l'absence imminente de sa mère, et donc doit déjà se préparer à grandir sans elle. Face à l'évolution de situations qu'ils n'avaient pas imaginés, pas anticipés, qu'ils subissent comme un sort s'abattant sur eux, ils soudent ensemble de nouveaux liens face à l'adversité qui les aide à affronter la réalité.

Naomi Kawase filme le temps. Elle s'intéresse ici autant au passé qu'au futur, aux traditions ancestrales et intemporelles qu'à l'avenir d'enfants d'aujourd'hui appelés à devenir les adultes de demain. Elle réunit les siècles sur une seule île, lieu de la réalité, au sein duquel règne une part d'irrationnel, mais en même temps lieu du nul part, d'un ailleurs incertain, un lieu personnel du tout un chacun. On a tous une île a soi, à l'intérieur de soi. Un lieu imaginaire, du tout possible, du tout permis, mais où le réel, le pragmatisme y possède sa part. Still the water, c'est l’île intérieure de la réalisatrice. Une île fantasmée, idéalisée, qu'elle matérialise devant sa caméra, son regard artistique. Une île, comme métaphore des rêves et des espoirs de Naomi Kawase. Mais aussi teintée de tristesse, la mort de la mère de Kyoko faisant écho au décès de sa propre mère adoptive. On peut donc le lire comme une biographie de l'âme de l'auteure japonaise.

Still the water est un beau petit film plein d'émotions et de sensibilité qui nous renvoie en miroir à nos peurs d'enfants qui subsistent en chacun de nous malgré le passage du temps. Un film troublant, ode à la nature, à la disparition et à la célébration de l'après, sans que l'on sache trop ce qu'il y aura. Les rites exorcisent les peurs. Face à ce drame, face au vide, la solidarité, l'entraide et l'amour de l'autre permet de mieux supporter la violence du temps. Naomi Kawase nous le démontre sans être elle-même démonstrative.







jeudi 19 février 2015

Ne reste que la violence


Dans Léviathan, le réalisateur Russe Andreï Zviaguintsev filme la déliquescence de son pays, où la corruption, l'alcool et le sang en sont devenus les nouveaux symboles.





Nord de la Russie, au bord de la mer de Barents. Kolia est garagiste dans une toute petite ville. Il est marié à Lylia et a un fils, Roma, né d'un premier mariage. Il est installé sur un terrain que le maire, Vadim Cheleviat, aimerait s'approprier. Mais Kolia refuse de partir. Le ton monte entre les deux hommes, à tel point que tout dialogue est devenu impossible entre eux. La violence devient alors tout autant leur mode de pression que leur unique façon de lutter pour la possession des lieux...

Plongée dans le pathétique

Le film débute tout à la fois de façon tendue et burlesque : deux hommes saouls se disputent violemment. D'un côté, Kolia, modeste garagiste d'un village tout aussi modeste. Marié (deux fois), il n'aspire qu'à la tranquillité et n'a qu'un défaut, celui d'être installé sur un terrain convoité par le maire. De l'autre côté, donc, l'édile, qui n'a qu'une envie, celle de récupérer ledit terrain, quitte à employer tous les moyens à sa disposition, légaux ou non. Mais pour l'heure, le duel des ivrognes ne se limite qu'à des invectives, des menaces. Dès les premières minutes, on est plongé dans le pathétique avec des héros avinés qui symbolisent bien une Russie shootée à la Vodka et dont l'impuissance des mots est remplacé par la puissance des armes. Ce n'est pas à qui aura les meilleurs arguments pour trouver un terrain d'entente en cas de litige, mais à celui qui aura les plus gros moyens pour faire plier l'autre. Il ne peut y avoir qu'un gagnant.

Kolia pense pouvoir gagner sur le plan juridique. Pour ce faire, il décide de faire appel à un ami avocat, Dmitri, qu'il connaît depuis l'armée et qui monte un dossier accablant pour le maire, Vadim Cheleviat. Ce qu'il ne pouvait deviner, c'est que sa femme, Lylia, tomberait amoureuse de lui. La souffrance s’immisce ainsi jusqu'à l'intérieur même du couple. Rien n'est épargné à Kolia. Le garagiste continuera malgré tout à aimer Lylia et à lui faire confiance. Mais il ne pourra rien, c'est le destin, car le maire a tous les pouvoirs avec lui : celui de l'argent – son projet immobilier sur le terrain se promet d'ores et déjà très lucratif – et celui de la religion, car les popes mesurent également leurs intérêts. Ce mélange détonnant de politique, de foi et de profit ont un point commun, celui de la puissance, dénominateur convergent d'un pays dont la corruption à tout les étages ne semble être que la seule règle, la seule loi qui les guide.

Regard sans concession

Avec Léviathan, le réalisateur russe Andreï Zviaguintsev dénonce sans aucune réserve et avec force les dérives auxquelles son pays est soumis. Son regard est sans concession, sa caméra et son histoire sans issue. Il ne peut y avoir d'échappatoire, et le cynisme sans borne de certains de ses personnages montre jusqu'à quel point la corruption peut gangrener une nation, tel un cancer. Une nation peuplée d'Hommes qui se sentent prisonniers de leurs propres frontières et ne parviennent pas à voir au-delà. Mais ces barrières sont aussi intérieures : face à la peur et à la perte de confiance, ils soumettent leur pouvoir de décision à plus fort qu'eux, à des dirigeants chargés d'avoir une vision à long terme, alors que dans le même temps le court terme est leur quotidien. Ils sont lucides, mais veulent quand même y croire. Mais en quoi – ou en qui – croire ? L'individualisme et le manque de perspectives empêchent la Russie d'avancer.

Toutefois si la critique touche juste, elle manque parfois un peu de mordant. La faute peut-être à des personnages un peu trop manichéens. Le maire Vadim Cheleviat, par exemple, est un parfait pourri dont le noir est trop appuyé, trop souligné par rapport au blanc. D'ailleurs, tout le film est sombre, asphyxiant. Si l'effet voulu est réussi, l'absence de lumière, de légèreté rend le film parfois un peu difficile et paraît un peu long, surtout dans la seconde partie. Son manque de recul empêche son propos de prendre une dimension autre que celle qu'il montre. Il impose sa vision très personnelle, et même s'il maîtrise son sujet, son film reste orageux, sans perspective d'apercevoir l'horizon. Cette ambiance un peu pesante ne doit toutefois pas faire oublier un vrai talent de cinéaste, qui pousse jusqu'à l'extrême son propos et va au bout de son ambition. Celle d'un petit bout de Russie qui se veut la critique de son pays et de l'impasse vers lequel il se dirige.




D'une créature mythologique, Andreï Zviaguintsev prend le nom pour en faire un film réaliste et cru. Léviathan raconte une histoire russe, un présent violent où la mort semble être la seule échappatoire possible. Un quotidien où l'argent et l'alcool guide les gens, et où la lente déshumanisation détruit les personnages un par un. Une œuvre où la naïveté est absente, autant qu'un cri d'amour d'un réalisateur qui place dans sa caméra une image d'espoir en de meilleurs lendemains, quitte à ce qu'il soit déçu. 



mercredi 28 janvier 2015

La débâcle des sentiments


Palme d'Or du Festival de Cannes 2014, Winter Sleep sonde admirablement le climat des cœurs d'un couple à l'automne de sa vie.



Anatolie. Les dernières chaleurs s'en sont allés. L'hiver peu à peu s'installe. Le petit hôtel de la ville de Cappadoce, l'Othello, se vide peu à peu de ses derniers touristes. Demeure notamment un couple, Aydin, le patron, comédien à la retraite et chroniqueur dans le journal local, sa femme Nihal et sa sœur Necla. La neige recouvre les lieux, obligeant les personnages à vivre en huis clos, et notamment Aydin et Nihal, condamnés à faire face à leurs sentiments qui se sont rafraîchis, comme le temps...

Quasi huis clos

Trois ans après Il était une fois en Anatolie, le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan est de retour avec une nouvelle fable, « il était une fois l'amour ». Était. Car celui qu'a vécu Aydin, ancien comédien fier tout autant de sa carrière théâtrale que d'avoir snobé la télé, et sa femme, sa muse Nihal se retrouve enseveli sous la neige du temps après que celui-ci ait brillé des flammes de la jeunesse. La routine du quotidien autant que l'évolution du caractère des deux amants ont eu raison de leur alliance. Mais est-ce pour autant la fin d'une liaison ? Difficile à dire, tant les personnages maintiennent l'ambiguïté jusqu'au bout, tant ils veulent croire qu'il y aura encore un jour d'après. Mais cette journée s'inscrit de plus en plus en pointillé, tant leurs divergences sont de plus en plus criantes et de moins en moins tues. Ils doivent faire face aux sentiments de l'autre, dans un quasi huis clos que les protagonistes se sont bâtis.

Un quasi huis clos causé par le temps. En l'occurrence ici la neige. Du blanc. Comme la couleur de la page que le couple redoute. Une page effacée après tant de souvenirs écrits dans la mémoire. Mais ces souvenirs désertent, à l'instar des derniers clients, exceptés les quelques touristes. Et Aydin et Nihal ont peur que leur cœur aille voir ailleurs, que celui-ci ait terminé la visite de l'autre après avoir fait le tour. Et malgré le froid du dehors, l'ambiance entre eux est étouffante. Et la complexité de leurs sentiments n'aide pas à faire retomber la température. En effet, ils ne peuvent plus se supporter, mais n'envisagent pas de se séparer. Nihal est la seule personne – a l'exception de sa sœur – qu'Aydin semble encore aimer. Il vit dans ses certitudes, d'où sa déstabilisation lorsque son couple avance sur des sables mouvants. Heureusement, le dialogue n'est pas coupé entre eux, et c'est par ce moyen que les désaccords s'expriment, s'étalent devant eux.

Chimère du vivre ensemble

L'intrigue du film passe en effet par les mots. Tout le suspense du scénario se tient dans les paroles et les émotions que les personnages traduisent par ce biais. Que ce soit entre Nihal et Necla, Aydin et Nihal ou entre Aydin et sa sœur Necla, la violence, l'amour, l'incompréhension se concentrent dans leur verbe. C'est ainsi que nous avons une vision du comédien sans fard, sans non-dits, au travers de ce qu'en disent les femmes de sa vie. Les fossés sont étalés sur la table. Nihal reproche entre autre à son mari son intransigeance et son côté moralisateur. Il ne communique plus réellement avec personne puisqu'il déteste tout le monde. La monotonie a peu à peu tué leur couple, sans que Aydin y ait vraiment fait quelque chose. Mais le voulait-il vraiment ? Les choses semblaient acquises pour lui, mais son petit monde va progressivement s'ébranler et les murs de ses certitudes s'effondrer. Avec une conclusion impossible sur le « que faire ? »

Nuri Bilge Ceylan nous offre ici une histoire quasi-philosophique sur les affres de l'amour et des sentiments dans un endroit coupé du monde, donc hors de celui-ci. Un film qui pose plus de question qu'il n'en résout. C'est au spectateur d'en trouver les réponses. Ses réponses propres. Car sur ce sujet, tout le monde a son avis. Mais en même temps qu'il cherche ses solutions, il assiste impuissant au délitement d'un couple qu'il ne connaît que depuis peu, mais dont il a l'impression d'être un intime depuis toujours. Cela est rendu possible à la fois par la durée (3h15), mais aussi par l'intrusion d'une caméra omniprésente et très discrète. On ne perd rien des tourments du couple. Chaque hésitation, chaque geste est montré à voir sans pudeur et avec beaucoup de sensibilité. Les personnages se débattent avec quelque chose qui n'est plus, une chimère du vivre ensemble alors qu'ils sont condamnés à finir seuls.

Tragédie sentimentale en trois actes, Winter Sleep est un film brûlant, âpre, sur l'amour et comment y faire face lorsque les deux amants s'en éloignent mais y restent enchaînés. Un film accrocheur sur la solitude et la peur d'y tomber avec des personnages bavards mais dont le grand paradoxe est dans le fait qu'ils ne s'écoutent plus et ne parviennent plus à communiquer entre eux. Comme un mur de verre invisible érigés entre eux et qui les emprisonnent. Le réalisateur d'Il était une fois en Anatolie touche. Juste.