vendredi 23 mai 2014

Le Hobbit 2 : La Désolation de Smaug


Sensiblement plus réussi que le premier volet, les aventures de Bilbon Saquet et ses amis gagne en suspense et en aventures romanesque.
 



Le film débute par un retour en arrière. Dans le village de Bree, le magicien Gandalf annonce à Thorin Ecu-De-Chêne que sa tête est mise à prix et qu'il est temps pour lui de réunifier les Royaumes Nains pour récupérer un bijou, l'Arkenstone, gardé par le dragon Smaug. Douze mois plus tard, Thorin, Bilbon et leurs amis sont toujours poursuivis par l'orque Azog et sa troupe, alors qu'ils se dirigent vers la Forêt Noire. Ce dernier, désigné chef par le Nécromancien, charge un autre orque, Bolg, de les traquer...
Héros de western

Un an après le début de ses aventures, Bilbon le sympathique Hobbit est de retour et son histoire redémarre là où on l'avait laissé. Toujours traqué par les Orques, lui et ses amis sont à la recherche de l'Arkenstone, une pierre brillante et puissante. Mais celle-ci est sous la bonne garde du dangereux dragon Smaug, qui pourrait commettre d'énormes dégâts et semer la terreur si il était réveillé. Piégés par des araignées géantes, ils seront sauvés par notre héros, qui les libérera grâce au pouvoir d'invisibilité de l'anneau. Il se servira une nouvelle fois de celui-ci pour aider ses compagnons à s'évader après qu'ils aient été enfermés dans des geôles par des Elfes, dont Legolas et Tauriel l'Elfe féminine. Ces derniers finiront tout de même par les seconder lors de l'attaque des troupes de Borg. Cette histoire, plus que la première partie, est centrée sur le personnage de Bilbon, héros solidaire mais solitaire au cœur d'une quête collective.

Que ce soit lors de l'attaque des araignées, face aux Elfes ou à Smaug, ou encore pour résoudre de complexes énigmes, et même si ses aventures s'inscrivent dans une dynamique de groupe, il est seul. Tel un héros de western qui débarque sur son cheval dans une ville pour la nettoyer des bandits de grands chemin avant de repartir une fois sa mission accomplie, il accomplit sa tâche sans aide. Car si lui peut appuyer ses camarades dans la réussite de leurs objectifs, eux en revanche ne peuvent pas grand chose pour lui. En usant du pouvoir magique de l'anneau, il bénéficie de son invisibilité pour aider les Nains à se dépêtrer des situations dans lesquelles ils se sont retrouvés. Ces derniers lui apportent en échange des solutions pour avancer sur la route du succès, comme une forme de récompense de son altruisme. Mais c'est sa solitude au milieu de ses alliés qui, peu à peu, entraîne notre hobbit autant que l'histoire vers la noirceur.

Magie destructrice

Cette lutte des forces du bien contre celles du mal se matérialise ici entre autre dans un combat d'influence psychique. Bilbon lutte contre le pouvoir extraordinaire mais également destructeur de l'anneau. Un combat intérieur entre la volonté de contrôle personnel et la soumission à la magie destructrice de l'objet. Ici, nous sommes dans le duel du «qui possède qui», presque comme une drogue, l'anneau représentant l'addiction. Ce combat invisible pour les Nains affecte le hobbit, mais pas encore au point de mettre la quête en péril. Une quête qui s'assombrit à chaque pas que font nos héros. Traqués par les Orques, obligés de batailler contre un dangereux dragon, les dangers s'accumulent et s'amplifient au fur et à mesure que l'histoire se dirige vers sa résolution, les rebondissements permanents qui rythment le film s'inscrivant dans un schéma scénaristique classique inhérent au genre codifié de l'Héroïc Fantasy.

Pour ce second volet de la trilogie du « Hobbit », tiré de l'univers de Tolkien, Peter Jackson ne déroge pas à la règle qui fait de ce genre de film un succès : humour et action. Dans la stricte et cohérente lignée du premier volet ainsi que du Seigneur des anneaux, il séduit ceux dont l'univers est déjà familier. Une suite d'aventures menées sans temps morts qui épate visuellement et dont la dimension globale n'efface en rien les destinées personnelles. Même si l'on peut pinailler sur des impératifs commerciaux (introduction d'une Elfe, Tauriel, interprété par Evangeline Lilly, pour attirer un public féminin ; le divertissement familial privilégié parfois au détriment d'une plus grande complexité du film), il n'en reste pas moins une réussite, y compris dans l'interprétation, Martin Freeman incarnant un hobbit volontaire mais portant ses doutes intérieurs comme un fardeau. A noter le « retour » de Legolas (Orlando Bloom).



Plaisant et spectaculaire, le second volet de la trilogie du Hobbit touche le but que le film s'était fixé : nous faire passer un agréable moment. Si l'on peut regretter son côté un peu trop calibré pour séduire totalement, l'univers de Tolkien est toujours aussi bien restitué et maîtrisé, avec une virtuosité captivante. Les héros poursuivent une quête que le spectateur prend toujours autant de plaisir à suivre. On attend désormais avec impatience décembre 2014 pour la conclusion de leurs aventures.
 
 
 


vendredi 2 mai 2014

Zulu : Over the Rainbow


Plongée noire et violente dans une Afrique du Sud post-apartheid, Zulu oscille entre onirisme et implacable réalisme dénué de tout échappatoire.




Afrique du Sud, de nos jours. Une adolescente est sauvagement assassinée. Deux policiers, un noir, Ali Sokhela (Forest Whitaker), au passé douloureux, et un blanc, Brian Epkeen (Orlando Bloom), épave notoire, sont chargés de l'enquête. Très vite, leurs investigations vont les entraîner des extrêmes pauvretés des Townships de Capetown aux luxueuses villas des bords de mer, à la recherche d'une drogue de synthèse, les amenant à se confronter à leur passé et à lutter contre leurs démons intérieurs...


Rassemblement de façade

Ali Sokhela est un flic intègre et idéaliste abîmé par la vie et marqué au fer rouge du sceau de l'apartheid. Il a perdu son père, brûlé par des blancs, lorsqu'il était plus jeune. Solitaire, sa vie intime se résume à la fréquentation des prostituées qu'il paye pour caresser leur peau. Malgré sa carapace d'acier, il a gardé sa capacité à s'émouvoir des crimes qu'il est chargé d'élucider. Ici, il doit s'occuper du meurtre d'une adolescente. Dans son enquête, il est aidé par Brian Epkeen, que la vie a peu à peu fait sombrer. Alcoolique, séparé de sa femme – et ne cherchant pas à cacher son antipathie pour le nouveau compagnon de celle-ci – il joue les têtes brûlées dans un pays loin d'être apaisé, quitte à fleurter avec l'illégalité. Tout deux vont être confrontés à la réalité d'un pays gangrené par la violence, le racisme et les inégalités et où le chacun pour soi a été érigé en règle de vie, loin de la « nation arc-en-ciel » vantée par ses dirigeants depuis 20 ans.

En effet, ce film montre que, derrière le rassemblement de façade, les inégalités sont plus criantes que jamais, entre les quartiers très pauvres et les villas du bord de mer très riches qui se côtoient dans une violence de plus en plus sanglante et un racisme persistant malgré la fin officielle de l'apartheid. Le réalisateur français Jérôme Salle montre que le pays n'est pas guéri de ses démons et que les vols et les trafics de drogue se poursuivent avec des gangs forts face à une police totalement dépassée voire complaisante. Brian Epkeen et Ali Sokhela sont imprégnés de cette ambiance, et même si ce dernier tente de lutter contre cette violence en croyant au pardon, il finira par flancher et y succomber. Son comparse, lui, est borderline et ne montre guère d'illusions quant à l'état du pays et son devenir. Les fractures sont béantes entre des populations fortement marqués par leur différence de statut social et qui les enferment dans des perspectives d'avenir incertaines.

Plaies encore vives

Ali Sokhela et Brian Epkeen évoluent ainsi dans ce climat de peur permanente d'un pays au bord du gouffre. Mais chacun avec leurs valeurs. Sokhela au début du film joue les « bon flic » alors qu'Epkeen apparaît comme un « mauvais flic ». Pourtant, au fur et à mesure de l'évolution du film, leurs convictions vont être mises à rude épreuve, remises en cause personnellement, et les rôles s'inverser. Le pardon est un sujet majeur au cœur du scénario, mais peut-on vraiment pardonner ? Le risque de l'individualisme est permanent. Et malgré le soutien sans faille d'Epkeen, Sokhela perd peu à peu ses illusions, finissant même par succomber à la tentation de la vengeance. Epkeen, à l'inverse, agressif comme l'est l'Afrique du Sud, va peu à peu s'adoucir pour tendre vers ce pardon. Mais cette notion reste une chimère dans un pays dont les plaies encore vives continuent de marquer sa réalité et dont la guérison prendra encore du temps.

Jérôme Salle, en adaptant le polar éponyme de Caryl Ferey, pose une caméra quasi-documentaire sur l'un des pays les plus apaisés du continent noir. Mais il montre rapidement que cela n'est qu'une illusion, et que le quotidien est beaucoup plus cruel et sombre, sans perspective d'avenir pour les plus pauvres, si ce n'est dans les trafics et les combines en tout genre. Porté par deux acteurs en très grande forme, Forest Whitaker et Orlando Bloom, le film est prenant, même si la violence est parfois montrée sous un angle un peu complaisant. Rythmé et maintenant parfaitement le suspense, avec un aspect social très bien démontré, le long métrage du réalisateur français dépasse le simple cadre des frontières du pays pour dénoncer une misère plus globale et montrer une violence crue et qui touche toutes les couches des sociétés. Son film ressemble à une photo de famille, montrée dans toutes ses déchirures et sa sombre réalité.


Le réalisateur de Largo Winch et de Anthony Zimmer filme un thriller sans pathos dont la noirceur peint des caractères forts mais qui ne peuvent rêver, pris au piège d'une réalité étouffante qui n'épargne rien ni personne. L'Afrique du Sud, personnage à part entière, exacerbe les tensions alors que le sentiment d'impuissance n'a jamais été aussi fort. Jérôme Salle se rapproche au plus près des cicatrices d'une nation qui ne demande qu'à recolorer un arc-en-ciel malade et encore bien pâle.