Plongée noire et
violente dans une Afrique du Sud post-apartheid, Zulu oscille
entre onirisme et implacable réalisme dénué de tout échappatoire.
Afrique du Sud, de nos
jours. Une adolescente est sauvagement assassinée. Deux policiers,
un noir, Ali Sokhela (Forest Whitaker),
au passé douloureux, et un blanc, Brian Epkeen (Orlando Bloom),
épave notoire, sont chargés de l'enquête. Très vite, leurs
investigations vont les entraîner des extrêmes pauvretés des
Townships de Capetown aux luxueuses villas des bords de mer, à la
recherche d'une drogue de synthèse, les amenant à se confronter à
leur passé et à lutter contre leurs démons intérieurs...
Rassemblement de
façade
Ali Sokhela
est un flic intègre et idéaliste abîmé par la vie et marqué au
fer rouge du sceau de l'apartheid. Il a perdu son père, brûlé par
des blancs, lorsqu'il était plus jeune. Solitaire, sa vie intime se
résume à la fréquentation des prostituées qu'il paye pour
caresser leur peau. Malgré sa carapace d'acier, il a gardé sa
capacité à s'émouvoir des crimes qu'il est chargé d'élucider.
Ici, il doit s'occuper du meurtre d'une adolescente. Dans son
enquête, il est aidé par Brian Epkeen, que la vie a peu à peu fait
sombrer. Alcoolique, séparé de sa femme – et ne cherchant pas à
cacher son antipathie pour le nouveau compagnon de celle-ci – il
joue les têtes brûlées dans un pays loin d'être apaisé, quitte à
fleurter avec l'illégalité. Tout deux vont être confrontés à la
réalité d'un pays gangrené par la violence, le racisme et les
inégalités et où le chacun pour soi a été érigé en règle de
vie, loin de la « nation arc-en-ciel » vantée par ses dirigeants
depuis 20 ans.
En effet, ce film montre
que, derrière le rassemblement de façade, les inégalités sont
plus criantes que jamais, entre les quartiers très pauvres et les
villas du bord de mer très riches qui se côtoient dans une violence
de plus en plus sanglante et un racisme persistant malgré la fin
officielle de l'apartheid. Le réalisateur français Jérôme Salle
montre que le pays n'est pas guéri de ses démons et que les vols et
les trafics de drogue se poursuivent avec des gangs forts face à une
police totalement dépassée voire complaisante. Brian Epkeen et Ali
Sokhela sont imprégnés de cette ambiance, et même si ce dernier
tente de lutter contre cette violence en croyant au pardon, il finira
par flancher et y succomber. Son comparse, lui, est borderline et ne
montre guère d'illusions quant à l'état du pays et son devenir.
Les fractures sont béantes entre des populations fortement marqués
par leur différence de statut social et qui les enferment dans des
perspectives d'avenir incertaines.
Plaies encore vives
Ali Sokhela et Brian
Epkeen évoluent ainsi dans ce climat de peur permanente d'un pays au
bord du gouffre. Mais chacun avec leurs valeurs. Sokhela au début du
film joue les « bon flic » alors qu'Epkeen apparaît comme un «
mauvais flic ». Pourtant, au fur et à mesure de l'évolution du
film, leurs convictions vont être mises à rude épreuve, remises en
cause personnellement, et les rôles s'inverser. Le pardon est un
sujet majeur au cœur du scénario, mais peut-on vraiment pardonner ?
Le risque de l'individualisme est permanent. Et malgré le soutien
sans faille d'Epkeen, Sokhela perd peu à peu ses illusions,
finissant même par succomber à la tentation de la vengeance.
Epkeen, à l'inverse, agressif comme l'est l'Afrique du Sud, va peu à
peu s'adoucir pour tendre vers ce pardon. Mais cette notion reste une
chimère dans un pays dont les plaies encore vives continuent de
marquer sa réalité et dont la guérison prendra encore du temps.
Jérôme Salle, en
adaptant le polar éponyme de Caryl Ferey, pose une caméra
quasi-documentaire sur l'un des pays les plus apaisés du continent
noir. Mais il montre rapidement que cela n'est qu'une illusion, et
que le quotidien est beaucoup plus cruel et sombre, sans perspective
d'avenir pour les plus pauvres, si ce n'est dans les trafics et les
combines en tout genre. Porté par deux acteurs en très grande
forme, Forest Whitaker et Orlando Bloom, le film est prenant, même
si la violence est parfois montrée sous un angle un peu complaisant.
Rythmé et maintenant parfaitement le suspense, avec un aspect social
très bien démontré, le long métrage du réalisateur français
dépasse le simple cadre des frontières du pays pour dénoncer une
misère plus globale et montrer une violence crue et qui touche
toutes les couches des sociétés. Son film
ressemble à une photo de famille, montrée dans toutes ses
déchirures et sa sombre réalité.
Le
réalisateur de Largo Winch et de Anthony Zimmer filme
un thriller sans pathos dont la noirceur peint des caractères forts
mais qui ne peuvent rêver, pris au piège d'une réalité étouffante
qui n'épargne rien ni personne. L'Afrique du Sud, personnage à part
entière, exacerbe les tensions alors que le sentiment d'impuissance
n'a jamais été aussi fort. Jérôme Salle se rapproche au plus près
des cicatrices d'une nation qui ne demande qu'à recolorer un
arc-en-ciel malade et encore bien pâle.
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