dimanche 10 novembre 2013

Jimmy P. : Les âmes blessées

Tirée d'une histoire vraie, la rencontre improbable entre deux êtres que tout oppose. Un magnifique écrin pour deux excellents comédiens.




Nous sommes après la Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis. Jimmy Picard est un indien Blackfoot qui a combattu en France. Souffrant de maux de têtes, de vertiges ou encore de perte d'audition, il se fait soigner dans un hôpital militaire du Kansas. Après une première analyse, on lui diagnostique une schizophrénie. Toutefois, les médecins acceptent un second point de vue, et pour cela font appel à George Devereux, un psychanalyste et ethnologue français, spécialiste des cultures amérindiennes...

Voyage intérieur
Jimmy Picard n'est pas un patient comme les autres. Issu de la tribu des Pieds-Noirs, ce nord-amérindien souffre de syndromes post-traumatiques, séquelles de la Seconde Guerre mondiale. Soigné dans un hôpital pour vétérans dans le Kansas, il est dans un premier temps diagnostiqué comme schizophrène, et il doit donc être interné. Pourtant, il n'est pas à sa place parmi les autres patients. C'est pourquoi il accepte une thérapie individuelle avec un psychanalyste français, qui va peu à peu l'entraîner vers un voyage intérieur, à la recherche de ses origines et de son passé qui ressurgira pour mieux l'en libérer. Des actions immobiles, où tout passe par la parole. Tout se passe dans la tête. Au travers de dessins et de souvenirs, il s'acheminera petit à petit vers la guérison. Il se réconciliera avec lui-même grâce à la confiance qu'il accordera à George Devereux, qui apparaîtra vite comme une porte de sortie.

George Devereux joue en effet l'homme providentiel pour Jimmy P. Impressionné lors de leur première rencontre, le français va rapidement gagner sa confiance lorsqu'il mettra en avant sa culture amérindienne – il a vécu chez les indiens Mohaves -, montrant qu'il est du côté de son patient et non pas qu'il veut le juger sans le connaître. Devereux se retrouve en Jimmy P., car comme lui il est un déraciné, puisqu'il est en effet né en Europe de l'est, dans l'Empire austro-hongrois. Du fait qu'il est son seul patient, cela lui permet de développer un lien fort afin de mieux le soigner et mieux comprendre ce qui le rattache à ses origines et ce qui le rattache à sa famille, mettant en lumière l'imbrication, mais aussi la distinction de l'un par rapport à l'autre dans son mal. A côté de cela, Devereux est filmé presque de façon documentaire dans ses aspects plus privés, plus sensibles, brisant ainsi l'armure du médecin pour exposer l'âme de l'homme.

Une subtile et harmonieuse partition
Ces deux hommes vont se rapprocher, jusqu'à nouer une improbable amitié. D'autant que Jimmy Picard reste un patient, donc à l'écart des discussions médicales et thérapeutiques. Il ne sait donc pas ce que l'on dit de lui. Involontairement, son statut d'étranger lui est constamment rappelé. C'est pourquoi Devereux et lui vont devoir «s'apprivoiser». Instinctivement, Jimmy décide de lui faire confiance une fois les premières preuves apportées (sa connaissance de la culture et du langage amérindien). Au-delà du rapport médecin – patient, l'histoire tourne alors au film sur l'amitié entre hommes. Plus le scénario avance, moins il y a de barrières entre les deux personnages. Ils sont peu à peu traités sur un même pied d'égalité. Traité du point de vue de Jimmy P. au début, un équilibre s'effectue peu à peu au fur et à mesure de l'évolution des relations entre les deux héros. Une subtile et harmonieuse partition qui aboutira à la guérison.

A ce titre, les deux acteurs principaux, Benicio Del Toro et Mathieu Amalric ont su s'approprier les rôles et interpréter des personnages à fleur de peau où l'action est intériorisé et passe par la parole. Des dialogues constructifs qui peu à peu reconstituent le puzzle de la vie de Jimmy P. Presque une prouesse, tant les aspects scientifiques et psychologiques peinent un peu plus à convaincre et à captiver sur la longueur. Des aspects parfois un peu techniques qui heureusement n'empiètent pas sur les rapports humains qui emportent l'adhésion. Les scènes les plus belles étant celles où la caméra se rapproche au plus près de ses personnages, sublimant les côtés les plus intimes de leur relation. La simplification de la réalisation sied bien pour capter l'évolution de leurs rapports, les tensions comme les francs moments de complicité. Un conte américain au final assez réussi de la part d'Arnaud Desplechin.



John Ford et François Truffaut sont ici convoqués dans cette adaptation-pari d'un livre de psychanalyse de George Devereux. Dans Jimmy P., le réalisateur d' «Ester Kahn» et «Rois et Reines» montre deux âmes à nues qui se reconstruisent à leur façon. Dans le cœur de ces deux hommes transitent des émotions brutes et fragiles que parviendront à canaliser l'entraide mutuelle. Une histoire vraie portée par deux acteurs non moins vrais dans leur jeu et qui participent pour beaucoup à la réussite de ce film. 




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