Tirée
d'une histoire vraie, la rencontre improbable entre deux êtres que
tout oppose. Un magnifique écrin pour deux excellents comédiens.
Nous
sommes après la Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis. Jimmy
Picard est un indien Blackfoot qui a combattu en France. Souffrant de
maux de têtes, de vertiges ou encore de perte d'audition, il se fait
soigner dans un hôpital militaire du Kansas. Après une première
analyse, on lui diagnostique une schizophrénie. Toutefois, les
médecins acceptent un second point de vue, et pour cela font appel à
George Devereux, un psychanalyste et ethnologue français,
spécialiste des cultures amérindiennes...
Voyage
intérieur
Jimmy
Picard n'est pas un patient comme les autres. Issu de la tribu des
Pieds-Noirs, ce nord-amérindien souffre de syndromes
post-traumatiques, séquelles de la Seconde Guerre mondiale. Soigné
dans un hôpital pour vétérans dans le Kansas, il est dans un
premier temps diagnostiqué comme schizophrène, et il doit donc être
interné. Pourtant, il n'est pas à sa place parmi les autres
patients. C'est pourquoi il accepte une thérapie individuelle avec
un psychanalyste français, qui va peu à peu l'entraîner vers un
voyage intérieur, à la recherche de ses origines et de son passé
qui ressurgira pour mieux l'en libérer. Des actions immobiles, où
tout passe par la parole. Tout se passe dans la tête. Au travers de
dessins et de souvenirs, il s'acheminera petit à petit vers la
guérison. Il se réconciliera avec lui-même grâce à la confiance
qu'il accordera à George Devereux, qui apparaîtra vite comme une
porte de sortie.
George
Devereux joue en effet l'homme providentiel pour Jimmy P.
Impressionné lors de leur première rencontre, le français va
rapidement gagner sa confiance lorsqu'il mettra en avant sa culture
amérindienne – il a vécu chez les indiens Mohaves -, montrant
qu'il est du côté de son patient et non pas qu'il veut le juger
sans le connaître. Devereux se retrouve en Jimmy P., car comme lui
il est un déraciné, puisqu'il est en effet né en Europe de l'est,
dans l'Empire austro-hongrois. Du fait qu'il est son seul patient,
cela lui permet de développer un lien fort afin de mieux le soigner
et mieux comprendre ce qui le rattache à ses origines et ce qui le
rattache à sa famille, mettant en lumière l'imbrication, mais aussi
la distinction de l'un par rapport à l'autre dans son mal. A côté
de cela, Devereux est filmé presque de façon documentaire dans ses
aspects plus privés, plus sensibles, brisant ainsi l'armure du
médecin pour exposer l'âme de l'homme.
Une
subtile et harmonieuse partition
Ces
deux hommes vont se rapprocher, jusqu'à nouer une improbable amitié.
D'autant que Jimmy Picard reste un patient, donc à l'écart des
discussions médicales et thérapeutiques. Il ne sait donc pas ce que
l'on dit de lui. Involontairement, son statut d'étranger lui est
constamment rappelé. C'est pourquoi Devereux et lui vont devoir
«s'apprivoiser». Instinctivement, Jimmy décide de lui faire
confiance une fois les premières preuves apportées (sa connaissance
de la culture et du langage amérindien). Au-delà du rapport médecin
– patient, l'histoire tourne alors au film sur l'amitié entre
hommes. Plus le scénario avance, moins il y a de barrières entre
les deux personnages. Ils sont peu à peu traités sur un même pied
d'égalité. Traité du point de vue de Jimmy P. au début, un
équilibre s'effectue peu à peu au fur et à mesure de l'évolution
des relations entre les deux héros. Une subtile et harmonieuse
partition qui aboutira à la guérison.
A
ce titre, les deux acteurs principaux, Benicio Del Toro et Mathieu
Amalric ont su s'approprier les rôles et interpréter des
personnages à fleur de peau où l'action est intériorisé et passe
par la parole. Des dialogues constructifs qui peu à peu
reconstituent le puzzle de la vie de Jimmy P. Presque une prouesse,
tant les aspects scientifiques et psychologiques peinent un peu plus
à convaincre et à captiver sur la longueur. Des aspects parfois un
peu techniques qui heureusement n'empiètent pas sur les rapports
humains qui emportent l'adhésion. Les scènes les plus belles étant
celles où la caméra se rapproche au plus près de ses personnages,
sublimant les côtés les plus intimes de leur relation. La
simplification de la réalisation sied bien pour capter l'évolution
de leurs rapports, les tensions comme les francs moments de
complicité. Un conte américain au final assez réussi de la part
d'Arnaud Desplechin.
John
Ford et François Truffaut sont ici convoqués dans cette
adaptation-pari d'un livre de psychanalyse de George Devereux. Dans
Jimmy P., le réalisateur d' «Ester Kahn» et «Rois et Reines»
montre deux âmes à nues qui se reconstruisent à leur façon. Dans
le cœur de ces deux hommes transitent des émotions brutes et
fragiles que parviendront à canaliser l'entraide mutuelle. Une
histoire vraie portée par deux acteurs non moins vrais dans leur jeu
et qui participent pour beaucoup à la réussite de ce film.
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