jeudi 24 octobre 2013

Michael Kohlhaas : Cheval de bataille

Adaptation d'une nouvelle écrite au XIXe siècle, une histoire médiévale captivante et mélancolique, avec un grand Mads Mikkelsen.




XVIe siècle. Michael Kohlhaas est un marchand de chevaux qui mène une vie heureuse et prospère dans les Cévennes en compagnie de sa femme Judith et de sa fille Lisbeth. Un jour, contraint de laisser deux de ses chevaux à un baronnet local pour payer une taxe, il les retrouve blessés. De plus, le valet chargé de s'en occuper a été tué. Tentant de plaider sa cause auprès de la princesse, il est débouté, et Judith assassinée. Il décide alors de monter une armée pour rétablir son bon droit, mettant le pays à feu et à sang...

Un homme profondément blessé
Michael Kohlhaas est un personnage présenté comme plutôt gentil au début du film. Il est un marchand de chevaux honnête, un mari aimant et un bon père de famille. Un homme normal en somme. Mais les événements vont se retourner contre lui. Ses bêtes sont maltraitées, son valet tué. Et malgré sa foi en la justice, il se sent piégé, le baron faisant jouer ses influences. Même sa femme est assassinée. A la douleur de la perte, il décide alors de répondre par la violence en levant une armée de paysans et de vagabonds. Sa colère rentrée est à la hauteur des dégâts causés dans la région. Mais l'engrenage est enclenché, il ne pourra plus revenir en arrière et son chemin vers la mort sera inéluctable. Pour autant, il ne perdra jamais de vue son but tout au long de sa quête. C'est un homme profondément blessé, un peu comme ses chevaux, mais qui ne montrera jamais sa peine, ses faiblesses, restant un homme fort et droit aux yeux de tous.
Mais Michael Kohlhaas, du moins au début du film, est un homme seul. Isolé face à la machine judiciaire et aux puissants qui décident du droit de vie et de mort sur leurs sujets, il ne possède pour dernière arme que la violence et la peur. Ce qui crée un contraste, car le héros n'apparaît jamais dans le film comme quelqu'un de franchement violent. Sa colère n'est dictée que par la peine et la nécessité de réparation face à l'état de ses chevaux. Mais même s'il ne se laisse jamais dépasser par elle, cela ne résout pas les choses. Il lève une armée désireuse d'aller au bout de son action et de renverser le pouvoir en place, des opprimés qui trouvent là l'occasion d'une expression et de combattre le baron, mais ils sont arrêtés dans leur élan, aux portes d'une grande ville après avoir envahi château et abbaye. Comme quelque chose d'impénétrable, à l'instar de Michael Kohlhaas, dont la personnalité pour les autres peut paraître un peu énigmatique.

Western mystique
Un homme dirigé par sa foi et sa religion. Adaptation d'un roman de l'allemand Ulrich Von Kleist paru en 1810, l'histoire est imprégnée de la culture protestante allemande. Dans l'une des scènes fortes du film, Michael Kohlhaas fait face à un théologien protestant (joué par Denis Lavant) dont il a lu la traduction de la Bible. Celui-ci lui offre la confession si le héros renonce à sa quête. Kohlhaas refuse, mais sortira néanmoins troublé de cette discussion. Une histoire de croyances qui donne à ce film une dimension spirituelle au-delà de l'aspect violent des actions. Dimension qui guide la droiture du personnage principal, puisqu'il refuse d'être assimilé à un pillard en payant aux paysans ses besoins. Ce qui rend son combat populaire. Il a en effet des valeurs, guidé par une vengeance qu'il pense légitime. Tel un leader charismatique guidant un peuple opprimé vers la liberté, il devient au fil de l'histoire le héros médiéval d'un western mystique.
En donnant une dimension spirituelle à son scénario, Arnaud des Pallières place son film au-dessus d'une simple histoire de vengeance ou de combat personnel. Il montre de façon exacerbée les failles de Michael Kohlhaas. Un héros dont la dualité entre la force extérieure et la fragilité, le doute intérieur est permanente. Ses limites sont constamment mises à l'épreuve. Entre compassion et entêtement, il doit en permanence trouver un difficile équilibre. C'est un héros humain, auquel le réalisateur s'attache à le rapprocher des spectateurs malgré les différences d'époque. Son parti pris sans pathos ni lyrisme trop prononcés et les superbes paysages renvoient les êtres à leur propre humanité et leur propre solitude face au monde. Mais en voulant maîtriser son sujet, il tient trop les rênes de son histoire, ne la laissant pas trop déborder du cadre, ce qui créé une distance, ne distribuant l'émotion qu'au compte-goutte.


Ce conte philosophique mis en images par Arnaud des Pallières met un homme et ses valeurs morales face à la brutale réalité du monde. Michael Kohlhaas est un père de famille en quête de vengeance autant qu'un héros en recherche de sa place sur la terre. Cela l'amène à réfléchir sur lui-même et sur ses actes. Un homme incarné par Mads Mikkelsen, dont la personnalité complexe est montrée sans aucun manichéisme. Une chevauchée sauvage de toute beauté.


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