Adaptation
d'une nouvelle écrite au XIXe siècle, une histoire médiévale
captivante et mélancolique, avec un grand Mads Mikkelsen.
XVIe
siècle. Michael Kohlhaas est un marchand de chevaux qui mène une
vie heureuse et prospère dans les Cévennes en compagnie de sa femme
Judith et de sa fille Lisbeth. Un jour, contraint de laisser deux de
ses chevaux à un baronnet local pour payer une taxe, il les retrouve
blessés. De plus, le valet chargé de s'en occuper a été tué.
Tentant de plaider sa cause auprès de la princesse, il est débouté,
et Judith assassinée. Il décide alors de monter une armée pour
rétablir son bon droit, mettant le pays à feu et à sang...
Un
homme profondément blessé
Michael
Kohlhaas est un personnage présenté comme plutôt gentil au début
du film. Il est un marchand de chevaux honnête, un mari aimant et un
bon père de famille. Un homme normal en somme. Mais les événements
vont se retourner contre lui. Ses bêtes sont maltraitées, son valet
tué. Et malgré sa foi en la justice, il se sent piégé, le baron
faisant jouer ses influences. Même sa femme est assassinée. A la
douleur de la perte, il décide alors de répondre par la violence en
levant une armée de paysans et de vagabonds. Sa colère rentrée est
à la hauteur des dégâts causés dans la région. Mais l'engrenage
est enclenché, il ne pourra plus revenir en arrière et son chemin
vers la mort sera inéluctable. Pour autant, il ne perdra jamais de
vue son but tout au long de sa quête. C'est un homme profondément
blessé, un peu comme ses chevaux, mais qui ne montrera jamais sa
peine, ses faiblesses, restant un homme fort et droit aux yeux de
tous.
Mais
Michael Kohlhaas, du moins au début du film, est un homme seul.
Isolé face à la machine judiciaire et aux puissants qui décident
du droit de vie et de mort sur leurs sujets, il ne possède pour
dernière arme que la violence et la peur. Ce qui crée un contraste,
car le héros n'apparaît jamais dans le film comme quelqu'un de
franchement violent. Sa colère n'est dictée que par la peine et la
nécessité de réparation face à l'état de ses chevaux. Mais même
s'il ne se laisse jamais dépasser par elle, cela ne résout pas les
choses. Il lève une armée désireuse d'aller au bout de son action
et de renverser le pouvoir en place, des opprimés qui trouvent là
l'occasion d'une expression et de combattre le baron, mais ils sont
arrêtés dans leur élan, aux portes d'une grande ville après avoir
envahi château et abbaye. Comme quelque chose d'impénétrable, à
l'instar de Michael Kohlhaas, dont la personnalité pour les autres
peut paraître un peu énigmatique.
Western
mystique
Un
homme dirigé par sa foi et sa religion. Adaptation d'un roman de
l'allemand Ulrich Von Kleist paru en 1810, l'histoire est imprégnée
de la culture protestante allemande. Dans l'une des scènes fortes du
film, Michael Kohlhaas fait face à un théologien protestant (joué
par Denis Lavant) dont il a lu la traduction de la Bible. Celui-ci
lui offre la confession si le héros renonce à sa quête. Kohlhaas
refuse, mais sortira néanmoins troublé de cette discussion. Une
histoire de croyances qui donne à ce film une dimension spirituelle
au-delà de l'aspect violent des actions. Dimension qui guide la
droiture du personnage principal, puisqu'il refuse d'être assimilé
à un pillard en payant aux paysans ses besoins. Ce qui rend son
combat populaire. Il a en effet des valeurs, guidé par une vengeance
qu'il pense légitime. Tel un leader charismatique guidant un peuple
opprimé vers la liberté, il devient au fil de l'histoire le héros
médiéval d'un western mystique.
En
donnant une dimension spirituelle à son scénario, Arnaud des
Pallières place son film au-dessus d'une simple histoire de
vengeance ou de combat personnel. Il montre de façon exacerbée les
failles de Michael Kohlhaas. Un héros dont la dualité entre la
force extérieure et la fragilité, le doute intérieur est
permanente. Ses limites sont constamment mises à l'épreuve. Entre
compassion et entêtement, il doit en permanence trouver un difficile
équilibre. C'est un héros humain, auquel le réalisateur s'attache
à le rapprocher des spectateurs malgré les différences d'époque.
Son parti pris sans pathos ni lyrisme
trop prononcés et les superbes paysages renvoient les êtres à leur
propre humanité et leur propre solitude face
au monde. Mais en voulant maîtriser son sujet, il tient trop
les rênes de son histoire, ne la laissant pas trop déborder du
cadre, ce qui créé une distance, ne distribuant l'émotion qu'au
compte-goutte.
Ce
conte philosophique mis en images par Arnaud des Pallières met un
homme et ses valeurs morales face à la brutale réalité
du monde. Michael Kohlhaas est un
père de famille en quête de vengeance autant qu'un héros en
recherche de sa place sur la terre. Cela l'amène à réfléchir sur
lui-même et sur ses actes. Un homme incarné par Mads Mikkelsen,
dont la personnalité complexe est montrée sans aucun manichéisme.
Une chevauchée sauvage de toute beauté.
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