jeudi 12 juin 2014

A Touch of Sin : Violences Made In China


Quatre histoires, quatre personnages dans quatre lieux de la Chine contemporaine, mais un seul et même moyen de conclusion : réaliste et glaçant.

 
 

Dahai est mineur dans la région du Shanxi. Confronté à la corruption de ses patrons, il va subir les conséquences de sa dénonciation, avant de se venger. San'er est un jeune père de famille qui tue des gens au hasard avant de les voler. Xiaoyu est hôtesse d'accueil dans un sauna. Mais un client très riche et trop pressant se met à la harceler. Enfin, Xiaohui est un jeune travailleur qui multiplie les petits boulots. Quatre personnages, quatre angles de vue différents sur la Chine d'aujourd'hui et sa violence.

Mur inhumain et insurmontable

La couleur du drapeau de la Chine est le rouge. Le réalisateur Jia Zhang Ke, au travers de son film, nous laisse suggérer qu'il pourrait s'agir de rouge sang. Au-delà du dirigisme d'un parti politique unique et d'un libéralisme économique de moins en moins contrôlé, il y a aussi des êtres humains. Des hommes et des femmes qui tentent de lutter au quotidien contre un système qui les broie, et dans lesquels ils essayent de survivre coûte que coûte dans un pays devenu fou et où la débrouille et l'individualisme gagnent constamment du terrain. Pour illustrer son propos, le metteur en scène chinois a choisi de donner quelques exemples au travers de quatre histoires dont la conclusion est toujours la même, sanglante et cruelle, montrant l'impuissance de gens face à un mur inhumain et insurmontable et qui en viennent à des solutions extrêmes, seule façon pour eux d'afficher leur colère et d'exprimer leur mal-être.

Soit Dahai. Un mineur de fond qui cherche à dénoncer la corruption qui gangrène son village et dans lequel est impliqué un ami d'enfance. Il demande des explications, mais ne trouve que des mafieux qui lui règle son compte à coup de pelles. Il y a aussi San'er. Il est père de famille et voleur. Pour subtiliser les sacs à mains, il n'hésite pas à user de son arme à feu sur les passants, sans aucun état d'âme. Xiaoyu, elle, travaille en tant qu' hôtesse d'accueil dans un sauna. Harcelée par un client trop pressant, elle s'en débarrassera façon films d'art martiaux à l'aide d'un couteau à fruits. Enfin, Xiaohui est un jeune travailleur. Il multiplie les petits boulots mais va vite déchanter dans une société à l'ascension sociale bouchée et aux conditions de travail de plus en plus dégradantes. Quatre personnages qui vivent, à leur façon, l'évolution de leur pays et les transformations que cela engendre, comme des laissés-pour-compte de la mondialisation.

Symphonie macabre et lucide

Jia Zhang-Ke met en lumière des chinois abandonnés sur le bord de la route. Pour ce faire, il multiplie les points de vue, les histoires. Et pour les distinguer, il les raconte sous quatre formes différentes. Le premier scénario prend ainsi pour héros un cow-boy moderne, qui se fait justice lui-même, son fusil de chasse faisant office de colt de circonstance. Le second personnage est l'anti-héros d'un film réalisé façon thriller. Dans la troisième histoire, l'héroïne du film fait montre de ses qualités au kung-fu. Enfin, le dernier personnage est au cœur d'un drame social. Si les deux premiers genres sont très marqués du sceau du cinéma occidental, le troisième revient aux racines asiatiques avant une synthèse dans le dernier. Le réalisateur de 24 City montre son ouverture au monde et opère la réunion entre cinéma oriental et occidental, des genres qui cohabitent sans jamais se croiser, à l'instar des histoires racontées.

Un film qui représente ce qu'est le recueil de nouvelles à la littérature, une succession de récits dans un cadre défini. Ces quatre courts-métrage à la même thématique représentent sa force car elles permettent d'aborder un même sujet sous différents angles de manière choc et direct de par le temps réduit de chaque histoire qui donne ainsi plus de rythme, accrochant et étouffant le spectateur sous les images à la fois brutales et édifiantes. Mais on peut aussi un peu regretter qu'en prenant plusieurs routes pour arriver à la même destination, il ne nous en ait pas fait suivre une seule. Une petite impression de dispersion, de dilution de son propos se dégage au travers des quatre exemple proposés. Cela n'enlève toutefois en rien la cohérence de l'ensemble. Une symphonie macabre et lucide qui provoque un vertige à glacer le sang, accompagné d'images d'hommes et de femmes désespérés marquant la mémoire de façon irréversible.



Critique très acerbe du modèle social chinois, A Touch Of Sin montre l'envers du décor, un pays où la parole disparaît peu à peu, remplacée par le geste, désespéré et irréversible. Jia Zhang Ke réalise ici un film en forme de cri d'alarme, sans pour autant tomber dans la tristesse. Un film noir qui porte une colère collective, une misère humaine de plus en plus audible aux oreilles du monde. Mais aussi un espoir de voir un jour les choses changer. Un regard lucide et froid en forme de message d'amour.







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