Dans
The Homesman, sa troisième réalisation, Tommy Les Jones
incarne un Cow-boy déjanté et bourré d'humanité. Une très belle
surprise.
Nebraska,
1854. Trois femmes ayant sombré dans la folie sont confiées à Mary
Bee Cuddy, une femme forte qui s'occupe seule de sa ferme, afin de
les emmener chez un pasteur, dans l'Iowa, pour qu'elles puissent être
prises en charge. Sur la route, elle croise George Briggs, un homme
rustre menacé de pendaison. Elle le sauve, et celui-ci, contre la
somme de 300 dollars, accepte de la suivre dans son périple dans les
grandes plaines et de faire face avec elle aux multiples dangers...
Amérique
des grands espaces
Pour
son troisième film en tant que réalisateur, Tommy Lee Jones
retourne au genre du western, 9 ans après Trois enterrements,
qui lui avait réussi. Via l'adaptation du roman de Glendon
Swarthout, « le chariot des damnés », il se – et nous –
replonge dans l'Amérique du 19ème siècle, celle des grands
espaces, des bandits de grands chemin et de la ruée vers l'or. En
cousin pas si éloigné de Henri Moon (alias Jack Nicholson dans En
route vers le grand sud, réalisé par l'acteur en 1978), il
interprète un George Briggs tout à la fois bourru et bourré
d'humanité. Cœur de pierre qui se laissera surprendre, bien qu'il
s'en défende, par la beauté de Mary Bee Cuddy ; un cabotin, qui
finira par se faire amadouer malgré lui par une femme au caractère
bien trempé et déterminée à ne pas se laisser faire par cet
olibrius qui sort d'elle ne sais où mais dont elle aura besoin pour
affronter tous les obstacles que recèle sa route vers l'Iowa.
Le
principal atout réside en effet sur la rencontre de deux personnages
forts qui révéleront leurs fragilités et fendront l'armure dans
des décors et des situations propices à cela. Mary Bee Cuddy est
une bonne chrétienne. Célibataire endurcie, elle est guidée par
l'amour de son prochain tout en espérant qu'un jour cet amour lui
soit rendu par un homme avec lequel elle pourrait fonder un foyer.
Mais le seul qu'elle croise sur son trajet vers l'Iowa est un homme
solitaire et égoïste qui n'en fait qu'à sa tête, n'acceptant
d'accompagner le convoi que pour l'argent, en espérant que les cinq
semaines du périple passent le plus rapidement possible. D'apparence
insensible au premier abord ni au sort de Cuddy, ni à celle des
trois femmes qu'il doit convoyer, il va au fur et à mesure des
dangers à affronter se laisser apprivoiser, révélant de lui des
facettes que lui-même semblait avoir oublié, tant il les avait
enfouies. Mais elles vont ressurgir malgré lui, imperceptiblement.
Perte
ou rédemption
C'est
ce qui fait de ce western humaniste une réussite. On y retrouve ici
les codes : les cow-boy et les indiens, les trajets sans fin vers des
lointaines contrées, la poussière ocre, le vide. Mais contrairement
aux grands films sur le Far-West, à dominante masculine, ici c'est
une femme qui joue les héroïnes, prenant ses responsabilités sur
la tâche qui lui est incombé. Et Mary Bee Cuddy est accompagnée
sur sa route par un anti-héros qui s'avère être autant une aide
précieuse quant à sa connaissance du territoire qu'un boulet à
cause de la légèreté de son comportement. Mais le silence est
également omniprésent. Celui des sentiments. Ou plutôt de son
absence. Cuddy, qui rêve de fonder une famille, finit par espérer
que Briggs sera – par défaut ? - le père de ses futurs enfants.
Sauf que lui est éloigné de toutes ces préoccupations. Ce
solitaire s'ouvrira néanmoins au contact de ces femmes, au travers
de cette singulière traversée.
Tommy
Lee Jones filme ici une Amérique du 19e siècle belle comme une
œuvre picturale, contemplative et fantasmée. Une Amérique où la
religion tient déjà une place prépondérante et où les plus fous
ne sont pas forcément ceux qu'on croit, délimitant de manière
floue les frontières. Dans un contexte où l'atmosphère reste
lourde et dans laquelle la violence continue de s'épanouir dans les
lisières, George Briggs est un personnage-bouffon qui permet
d'alléger l'air ambiant et de créer un décalage humoristique dans
un film qui ne l'est pas toujours. Mais il est surtout supplanté par
Mary Bee Cuddy (Hillary Swank), personnage de femme forte dans une
mythologie qui en compte peu. Deux personnages proches dans un décor
vaste, hostile, contraignant, qui avancent main dans la main, dans
une entraide mutuelle qui vont les changer profondément, jusqu'à la
perte ou la rédemption.
Dans
The Homesman, Tommy
Lee Jones filme deux personnages livrés à eux-même dans un
territoire qui ne veut pas d'eux. Un convoi de marginaux, où la
présence des trois femmes leur rappelle constamment que la folie
menace et n'est jamais très éloignée. Mais la présence de la vie
est malgré tout omniprésente, car il faut bien faire avec, qu'elle
soit menée avec rigueur (Cuddy) ou détachement (Briggs). Deux
facettes d'un même monde, deux êtres qui se nourrissent l'un
l'autre pour mieux supporter cette traversée et la dédramatiser.
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