mardi 25 novembre 2014

Hollywood Ending


Avec « Maps To The Stars », David Cronenberg ajoute de nouveaux personnages bien azimutés comme il faut à sa géniale galerie de monstres.



Hollywood. Stafford Weiss est psychologue et coach de développement personnel. Devenu star grâce à la télévision, il compte dans sa clientèle de nombreuses célébrités. Parmi elles, Havana Segrand, une actrice vieillissante qui cherche à sortir de l'ombre de sa défunte mère. Le fils de Stafford, Benjie, est à 13 ans déjà une vedette de cinéma. Il y a aussi Agatha, l'assistante d'Havana, ou encore Jerome Fontana, qui rêve de devenir scénariste. Tout ce beau monde va se croiser dans les travées de cette décadente usine à rêves...


Victimes du système

Il y a deux ans, dans Cosmopolis, David Cronenberg enfermait Robert Pattinson dans une limousine. En 2014, l'histoire d'amour continue, mais cette fois-ci, il se défait de ses oripeaux de trader pour devenir chauffeur, dans le costume d'un Jerome Fontana ayant pour objectif de percer à Hollywood à la force de ses scénarios. Sans se douter que la réalité lui en offre un beau sur un plateau, noir, violent, radical. Suffit de rencontrer les bonnes personnes. En l'occurrence, ici, Agatha, 19 ans, pyromane tout droit sortie de l'asile (la géniale Mia Wasikowska). Fraîchement débarquée à Hollywood, la jeune fille gantée façon Rita Haysworth dans Gina (pour cacher ses brûlures aux mains, ce qui est moins glamour), a pour objectif de renouer avec une famille qui la rejette. En attendant, elle vient de se dégoter un poste d'assistante auprès d'Havana Segrand (la non moins géniale Julianne Moore), actrice hantée par ses démons.

Démon qui prend la forme de sa défunte mère, Clarisse Taggart, elle aussi actrice, mythifiée du temps de sa splendeur, et dont Havana veut reprendre l'un de ses rôles dans le remake de l'un de ses films. Façon pour elle de les chasser ? En tout cas, pour optimiser ses chances d'aller mieux, elle fait appel à Stafford Weiss (John Cusack), coach de développement personnel et psychologue des stars. D'ailleurs, grâce à la télévision, lui-même en est devenu une. Sa femme, Christina (Olivia Williams), s'occupe quant à elle de leur petit Benjie (Evan Bird), 13 ans, et déjà passé par la case desintox suite au succès mondial d'un film dont il est la vedette et qui lui a très rapidement fait perdre la tête. Mais bien sûr, pour son image et celui de son père, il vaut mieux que la presse people ne sache rien de ce séjour. Ils sont tous les victimes, cyniques, naïves ou consentantes d'un système cruel qui n'épargne rien ni personne.


Planète à part

Et le réalisateur de La mouche s'amuse à faire exploser tout cela, méticuleusement. Il tisse la toile autour de personnages qui fatalement ne pourront pas y échapper et s'échapper. Mais le veulent-ils vraiment ? Car leur cage dorée qui les étouffent aux murs qui se rapprochent d'eux inexorablement sont comme des draps de soie qui endorment leur vigilance, sans qu'aucun d'entre eux n'ait conscience de la violence à l'extérieur. Avec les médicaments, l'alcool, la drogue ou les coachs pour tenir, autant de dépendances qui les éloignent de leurs démons pour mieux se rapprocher d'autres enfers, toujours plus attirants. Toutefois, la réalité les rattrape toujours, même s'ils se refusent à la voir et cherchent à l'éloigner le plus loin possible. Sauf que le microcosme d'Hollywood, à la fois planète à part et rêve tangible, constitue une société fermée, à l'affût du moindre scoop et de la moindre rumeur pour alimenter les légendes.

Les stars ne se construisent que sur leurs déboires. C'est en substance ce qui nous est montré à l'écran. Plus besoin du maquillage de la mise en scène, plus personne n'est dupe. Le vernis a depuis longtemps craqué. Tout sonne faux, sauf les sentiments – souvent de haine – qui anime les personnages. Plus personne ne fait illusion. Hollywood crée la vacuité dans lequel les candidats à la gloire éphémère s'engouffrent, des étoiles plein les yeux, et ne se définit que dans la négation d'elle-même. Un air pourtant connu de tous. Air qui, ironiquement, est illustré par le célèbre poème de Paul Eluard : « Liberté, j'écris ton nom... », qui revient comme un leitmotiv tout au long du film. Comme une forme d’auto-persuasion au cœur d'une société enchaînée, sur laquelle David Cronenberg se déchaîne. Il prend un malin plaisir à casser le jouet avec lequel pourtant il veut continuer de s'amuser. Mais en inventant ses propres règles de cette superbe partie de massacre.


David Cronenberg repousse les limites de la critique du star-système en entraînant ses personnages sur des territoires desquels aucun ne sortira indemne. Jeunes ou moins jeunes, personne n'est innocent. Tous sont alignés sur le même banc des accusés, et le jugement dernier est sans appel. Mais la distance mise entre lui et ses « héros » passés à la broyeuse remet finalement Hollywood à sa place, et son film épouse le regard que les gens ont sur l'industrie du cinéma. L'un comme l'autre ne sont que des divertissements.








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